je sortis sur le perron du palais de Tauride pour recevoir le premier groupe de soldats venus à la Douma, et que je leur adressai une allocution, j’étais sûr de prononcer un de mes derniers discours, sûr que dans quelques jours je serais fusillé ou pendu.»
Et plusieurs officiers ayant pris part aux événements m’ont assuré que le désarroi dans la capitale était tel et qu’on se rendait si peu compte de l’état des choses qu’un seul bataillon ferme, avec un chef sachant ce qu’il voulait, eût pu changer du tout au tout la situation.
Quoi qu’il en soit, le 2 mars, le comité provisoire de la Douma annonça la constitution d’un gouvernement provisoire ([1]), lequel, après de longues négociations avec l’organe parallèle du « pouvoir démocratique », — le conseil des délégués ouvriers, rédigea la déclaration suivante :
1° Une amnistie entière et immédiate pour toutes les affaires politiques et religieuses, y compris les attentats terroristes, les insurrections militaires, les troubles agraires, etc. ;
2° La liberté de la parole, de la presse, des associations, des réunions et des grèves, les libertés politiques s’étendant aux militaires dans les limites permises par les conditions de la technique militaire ;
3° Abolition de toutes les restrictions de classe, de confession et de nationalité ;
4° Préparatifs immédiats en vue de la convocation, à base du suffrage universel, égal, direct et secret, d’une Assemblée Constituante appelée à fixer la forme du gouvernement et la constitution du pays ;
5° Substitution à la police d’une milice populaire avec des chefs éligibles, subordonnés aux organes du self-gouvernement local ;
6° Élections aux organes du self-gouvernement local par suffrage universel, égal, direct et secret ;
7° Les unités militaires ayant pris part au mouvement révolutionnaire ne seront ni désarmées, ni évacuées de Pétrograd ;
8° Tout en maintenant une discipline militaire dans les rangs et au cours de l’exercice des obligations militaires, on supprime pour les soldats toutes les restrictions dans la jouissance des droits publics accordés à tous les autres citoyens.
Le gouvernement provisoire considère comme de son devoir d’ajouter qu’il n’a nullement l’intention de profiter de l’état de guerre pour apporter quelque retard que ce soit à la réalisation des réformes et des mesures ici exposées ».
Cette déclaration laissait trop clairement apparaître les traces de la pression exercée par le pouvoir « parallèle ».
- ↑ Le prince Lvov, Milioukov, Goutchkov, Konovalov, Manouilov, Terestchenko, Lvov, Chingarev, Godnev, Kérensky.