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accord à l’arrière…, reconnaissent à l’unanimité le pouvoir du Comité Exécutif de la Douma d’Empire jusqu’au moment de la convocation de l’Assemblée Constituante. »

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L’orgie effrénée, une espèce de sadisme du pouvoir dont avaient fait preuve, les uns après les autres, les dirigeants nommés par Raspoutine, avait abouti, vers le commencement de 1917, à ce qu’il n’y avait dans le pays aucun parti politique, aucune classe, aucune couche sociale sur lesquels le gouvernement tsariste eût pu s’appuyer. Tous le considéraient comme un ennemi du peuple : Pourichkevitch et Tchéidzé, la noblesse unifiée et les groupements ouvriers, les grands ducs et les soldats tant soit peu éclairés.

Il n’entre pas dans mes intentions d’examiner les actes du gouvernement, qui ont conduit à la révolution, ni sa lutte contre le peuple et les organes représentatifs. Je ne fais que résumer les accusations qui furent justement formulés contre lui à la veille de sa chute par la Douma d’Empire.

Toutes les institutions d’État, de classe et sociales — Conseil d’Empire, Douma d’Empire, noblesse, zemstvos, municipalités — étaient suspectées d’esprit séditieux et formellement combattues par le gouvernement qui paralysait leur action.

L’arbitraire et les procédés policiers étaient parvenus à un degré jusqu’alors inconnu. Le tribunal indépendant était subordonné « aux exigences du moment politique ».

Tandis que dans les pays alliés tous les éléments de la société prenaient une part active au travail commun pour la défense du pays, chez nous leur secours était dédaigneusement repoussé et le travail était accompli par des mains inexpertes, souvent criminelles, aboutissant aux phénomènes fatalement attachés à la manière de gouverner d’un Soukhomlinov ou d’un Protopopov. Le Comité de l’industrie de guerre, qui avait rendu de grands services à l’œuvre de l’approvisionnement de l’armée, était systématiquement détruit. Peu de temps avant la révolution, sa section ouvrière avait été arrêtée sans aucune raison, ce qui faillit amener des troubles sanglants dans la capitale.

En l’absence de toute organisation publique, les mesures du gouvernement désorganisaient la vie industrielle et les transports du pays ; le combustible se faisait rare. Le gouvernement se montra impuissant à lutter contre cette désorganisation, dont une des causes était, sans aucun doute, les visées égoïstes, voire les convoitises de rapine des commerçants et des industriels.

La campagne était dans la misère. Une série de lourdes mobilisations, sans aucun de ces sursis ni aucune de ces exemptions dont jouissaient les autres classes travaillant pour la défense nationale, l’avait privée de main-d’œuvre. Le caractère instable des prix