général de l’armée et de la marine, d’informer sur l’affaire Kornilov ([1]).
Le 9 septembre au soir — sauf erreur une foule énorme et bruyante fit entendre des cris furieux près de notre prison. Peu après, quatre inconnus entrèrent dans mon cachot : ils étaient très agités. Ils se présentèrent : c’étaient le président et plusieurs membres de la commission d’enquêtes sur l’affaire Kornilov ([2]). Chablovsky, d’une voix qui tremblait encore, m’annonça tout d’abord qu’ils avaient l’intention de nous emmener à Bykhovo. Mais, à Berditchev, les dispositions de la foule étaient tellement hostiles que la justice se voyait sans défense : ces enragés exigeaient, sauvagement, la peine du talion. La commission, ajouta-t-il, n’admettait pas que notre affaire fût jugée séparément ; il fallait que tous les complices de Kornilov fussent déférés à un tribunal unique. C’est à quoi le commissariat et les comités s’opposaient par tous les moyens. La commission me demandait si je ne désirais pas compléter ma déposition par des indications qui établissent encore plus clairement la relation de notre affaire à l’affaire Kornilov. Mais les hurlements de la foule rendaient tout interrogatoire impossible : on remit la chose au lendemain.
La commission se retira ; la foule se dispersa aussi.
Qu’aurais-je pu leur dire ? Je pouvais bien parler des directives que Kornilov m’avait fait donner par son messager. Mais je ne me serais permis, en aucune circonstance, de trahir la confiance exceptionnelle que le généralissime m’avait témoignée. Les quelques détails insignifiants que j’ajoutai, le lendemain, à mes précédentes dépositions, ne purent satisfaire ni la commission, ni le membre élu comité — un engagé volontaire — qui assistait à l’instruction.
Néanmoins, nous attendions avec impatience l’heure de quitter la prison de Berditchev. Mais notre délivrance était de plus en plus problématique. Le journal du comité du front, méthodiquement, surexcitait les passions de la garnison. Nous savions que tous les comités, à chaque séance, décidaient de nous garder à Berditchev ; on faisait une propagande effrénée parmi les troupes venues de l’arrière ; on organisait des meetings et les sentiments qui s’y manifestaient n’étaient pas débonnaires.
La commission Chablovsky avait échoué. Au début de septembre déjà, paraît-il, lorsque Chablovsky avait exigé qu’il n’y eût pas de procès séparé pour le « groupe de Berditchev », Jordansky avait déclaré que « sans parler du transfert des généraux dans une autre prison, le moindre retard dans cette affaire causerait à la