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par écrit au président de la Douma, par le général Alexéiev. Cette circonstance eut par la suite une influence très grave sur les relations entre ces deux hommes politiques.

Le Grand-duc Nicolas Mikhaïlovitch, dans sa lettre communiquée à l’empereur le 1er novembre 1916, disait, après avoir sévèrement réprouvé le système, connu à toutes les couches de la société, de la nomination des ministres par l’entourage odieux de l’impératrice :

« … Si Tu réussissais à écarter cette continuelle ingérence des forces obscures, la Russie marcherait rapidement à sa régénération et Tu regagnerais la confiance perdue de la grande majorité de Tes sujets… Lorsque l’heure sera venue — et elle est proche — Tu pourras toi-même, du haut du trône, octroyer, conformément à tant de vœux ardents, la responsabilité du ministère auprès de Toi et des institutions législatives. Cela se fera tout simplement, tout seul, sans pression extérieure, autrement que cela s’est fait lors de l’acte mémorable du 17 octobre 1905. J’ai longtemps hésité à Te révéler la vérité, mais je l’ai fait après que Ta mère et Tes deux sœurs m’eurent décidé. Tu es à la veille d’une nouvelle période de troubles, je dirai même, de nouveaux attentats. Crois-moi, si j’insiste tant sur Ton propre affranchissement des entraves qui se sont créées, je ne le fais pas par des considérations d’ordre personnel… Mais uniquement dans l’espoir de Te sauver, de sauver Ton trône et notre chère patrie des conséquences les plus pénibles et les plus irréparables.»

Mais toutes les instances demeuraient vaines.

Les groupements qui s’étaient constitués comprenaient certains membres des fractions de la droite et des fractions libérales de la Douma d’Empire, des membres du bloc progressiste, des membres de la famille impériale et des officiers. Avant d’agir, un des grands-ducs devait en appeler une dernière fois à l’empereur… Au cas où cette démarche ne serait pas couronnée de succès, on se proposait, dans la première moitié de mars, d’arrêter, les armes à la main, le train impérial venant du G.Q.G. à Pétrograd. Ensuite, on devait proposer à l’empereur d’abdiquer, et, s’il n’y consentait pas, l’écarter matériellement. On désignait, pour lui succéder, l’héritier présomptif du trône, Alexis, sous la régence de Michel-Alexandrovitch.

En même temps, un groupe considérable du bloc progressiste et des représentants des villes et des zemstvos, se trouvant en relations avec le groupement sus indiqué et informé de ses projets, se réunissait à maintes reprises afin d’examiner la question « du rôle que devait jouer après le coup d’État la Douma d’Empire ([1]) ». On y avait désigné la composition éventuelle du nouveau cabinet. Deux candidatures avaient été posées pour le poste de président du

  1. Milioukov, Histoire de la deuxième révolution russe.