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la débâcle de Tarnopol et de la perte de la Galicie et de la Bukovine, je n’accepte pas qu’on doive attendre, pour réorganiser l’arrière, la chute de Riga, pour rétablir l’ordre sur les voies ferrées, l’abandon à l’ennemi de la Moldavie et de la Bessarabie. »

Or, le 20, nous perdions Riga.

* * *


À tous les points de vue, le front de la Dwina inférieure, était prêt à la défense. Il y avait suffisamment d’hommes et la ligne de la rivière constituait une défense importante. Le général Parsky, commandant d’armée, et le général Boldyrev, commandant de corps, étaient à la tête des troupes. C’étaient des hommes d’expérience et que la démocratie révolutionnaire ne jugeait nullement « contre-révolutionnaires » ([1]). Enfin, nos généraux connaissaient exactement la direction de l’attaque ennemie ; les transfuges leur avaient appris aussi le jour et même l’heure de l’action.

Néanmoins le 19 août, les Allemands (8ème armée, Hutier), après une vive préparation d’artillerie, occupèrent, malgré une certaine résistance des nôtres, la tête de pont d’Ixkuel et passèrent la Dwina. Le 20 août, ils attaquèrent le long de la chaussée de Mitau. Le soir du même jour, le groupe d’Ixkuel rompit notre front sur l’Egel et s’avança vers le Nord, menaçant nos lignes de retraite sur Wenden. La 12ème armée abandonna Riga et se retira à 60 ou 70 verstes, après avoir perdu 9.000 hommes (en ne tenant compte que des prisonniers), 81 canons, 200 mitrailleuses, etc. Il n’était pas dans l’intention des Allemands d’avancer davantage : ils se mirent à fortifier l’immense terrain qu’ils venaient d’occuper sur la rive droite de la Dwina et expédièrent deux divisions sur le front français.

Nous avions perdu la riche ville industrielle de Riga, avec toutes ses fortifications et ses dépôts de munitions, et surtout une ligne de défense dont la chute créait une menace perpétuelle pour l’aile droite du front de Dvinsk et pour les routes de Pétrograd.

L’abandon de Riga causa au pays une émotion profonde. Au sein de la démocratie révolutionnaire, il ne suscita du reste ni remords, ni élan patriotique ; il ne fit — résultat tout à fait inattendu — qu’augmenter l’animosité qu’on nourrissait contre les chefs et contre les officiers. Dans un de ses communiqués, le Grand Quartier Général inséra la phrase suivante ([2]) : « Un flot de troupes désorganisées envahit la chaussée de Pskov et la route de Bider-Limbourg ». Ce communiqué, dont l’exactitude n’est pas contestable, n’indiquait pas les causes de la déroute ; il souleva une tempête

  1. Le général Parsky occupe, actuellement, un poste important dans l’armée des Soviets. Le général Boldyrev a été, dans la suite, commandant en chef de l’ « armée antibolcheviste de l’Assemblée Constituante », sur la Volga.
  2. Le 21 août.