concessions, vers la gauche pour lui demander de la modération, on put croire qu’entre les deux camps ennemis, le gouffre n’était pas infranchissable.
Ce furent d’autres problèmes qui captivèrent l’attention de l’assemblée : le pouvoir et l’armée.
Milioukov énuméra toutes les erreurs du gouvernement asservi aux Soviets, toutes ses « capitulations » ; les concessions faites aux idéologues du socialisme, aux « Zimmerwaldiens » ; les complaisances témoignées à l’armée et dans la politique extérieure aux utopies et aux exigences de la classe ouvrière, aux revendications excessives des diverses nationalités.
« Les Comités et les Soviets centraux et locaux dépouillent le gouvernement de son autorité — trancha la voix claire de Kalédine — il faut sans retard couper court à ce pillage. »
Maklakov commença par aplanir doucement le terrain — avant de frapper : « Je ne demande rien, mais je me sens forcé de signaler l’appréhension qu’éprouve la Société lorsqu’elle apprend l’admission, au sein du gouvernement, de gens qui, hier encore, étaient… « défaitistes ». Choulguine s’agite (sur la droite) : Je désire que votre autorité (celle du gouvernement provisoire) soit réellement forte, qu’elle soit illimitée. Je le désire —tout en sachant bien qu’un pouvoir fort évolue facilement vers le despotisme et que ce despotisme m’écraserait, moi plutôt que vous, amis du gouvernement actuel ! » À gauche, Tchéidzé chante les louanges des Soviets : « Si l’esprit créateur de la révolution a pu sauver le pays du désordre et de l’anarchie, c’est grâce aux organisations révolutionnaires ». « Aucun pouvoir n’est supérieur à celui du gouvernement provisoire, conclut Tsérételli ; en effet, ce pouvoir émane du peuple souverain qui l’a délégué au gouvernement par l’intermédiaire de ses représentants… » Évidemment, pour autant que le gouvernement se subordonne aux Soviets ?… Mais toutes les voix sont dominées par celle du grand premier rôle : il cherche des « mots plus qu’humains » pour exprimer « l’angoisse de son cœur pantelant » à la pensée des événements qui se préparent ; en même temps il brandit… un sabre en carton, dont il menace ses ennemis cachés : « Ceux qui ont déjà essayé de lever leur main armée sur le pouvoir démocratique doivent savoir que toute tentative de ce genre sera réprimée par le fer et dans le sang… Qu’ils soient plus que jamais sur leurs gardes, ces criminels qui croient arrivé le moment de renverser, à l’aide des baïonnettes, le gouvernement révolutionnaire. ! »
Les contradictions s’accusèrent davantage encore quand on parla de l’armée. Le généralissime, dans un discours simple mais puissant, peignit l’armée expirante, entraînant le pays dans sa ruine. En termes mesurés, il exposa son fameux programme. Le général Alexéiev, visiblement ému, raconta les fautes, les souffrances et les hauts faits de l’ancienne armée « faible au point de vue