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CHAPITRE XXXI

Mon service au poste de Commandant en Chef des armées du Sud-Ouest. La conférence de Moscou. La chute de Riga.


Je fus vivement touché par cette lettre de M.-V. Alexéiev :

« Mentalement je vous accompagne à votre nouveau poste. C’est à un effort vraiment héroïque que je vous vois destiné. On a beaucoup parlé, mais peu agi. Même après le 16 juillet, notre grand bavard national n’a rien fait… L’autorité des chefs s’effrite chaque jour… Si vous avez besoin, en quoi que ce soit, de mon assistance, de ma collaboration, je suis prêt à partir pour Berditchev, à me rendre aux armées auprès de n’importe quel chef… Dieu vous garde ! »

Voilà un homme, dans la plus haute acception du terme. Rien n’a pu altérer son caractère, ni les grades les plus élevés, ni les vicissitudes de la fortune. Tout entier, il s’est donné à son travail modeste et désintéressé pour le salut au bénéfice du pays natal.

Autre front, autres gens. Le front Sud-Ouest se remettait peu à peu de la terrible secousse de juillet. Mais ce n’était pas la vraie convalescence, que saluaient certains optimistes. On recouvrait, à peu près, l’état d’esprit d’avant l’offensive — voilà tout. Entre officiers et soldats, c’étaient les mêmes relations pénibles ; comme autrefois, on négligeait le service ; on désertait ; on n’avait aucune envie de combattre, mais cette attitude ne se manifestait pas violemment, parce qu’on était en pleine accalmie. Enfin, je retrouvais la même propagande bolcheviste, considérablement accrue, du reste, et souvent dissimulée sous le couvert des Comités. Elle profitait aussi des élections à l’Assemblée Constituante, qu’il fallait préparer. Je possède un document qui concerne la 2ème armée du front Ouest. Il constitue une démonstration significative et probante de la singulière tolérance témoignée aux perturbateurs par les représentants du gouvernement et de l’autorité militaire, sous le prétexte d’assurer la liberté et la compétence des soldats électeurs. Voici la copie d’une dépêche officielle adressée à tous les bureaux de la 2ème armée : « Le commandant de l’armée, d’accord avec le commissaire, a autorisé, à la demande des soldats socialistes-démocrates bolchevistes, l’ouverture du 15 au 18 octobre, auprès du Comité des troupes, d’un cours destiné à former des instructeurs appartenant à ce parti, en vue des élections à la Constituante. Un re-