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unités de la 28ème division débouchèrent sous un feu violent d’artillerie, de mitrailleuses et de fusils, elles se terrèrent derrière leurs barbelés, incapables de se porter en avant : seules, quelques troupes d’assaut, accompagnées de volontaires du régiment de la Volga et d’un peloton d’officiers, réussirent à enlever la première ligne de tranchées ; mais la mitraille les empêcha de tenir et, vers midi, la 28ème division regagna ses positions de départ, ayant essuyé de lourdes pertes, surtout en officiers. Dans le secteur de la 51ème division, l’offensive partit à 7 heures 5 minutes. Les régiments 202ème de Gouri et 201ème d’Ardagan-Mikhaïlovo, suivis de deux compagnies du régiment de Soukhoum et des compagnies d’assaut des régiments de Soukhoum et de Poti, enlevèrent rapidement deux lignes de tranchées qu’elles prirent à la baïonnette et, à 7 heures et demie, attaquèrent la troisième ligne. La brèche avait été si rapidement faite que l’ennemi surpris ne réussit pas à déclencher à temps son tir de barrage. Le 201ème régiment de Poti qui suivait, arriva à la première ligne de nos tranchées, mais il refusa de continuer sa marche, laissant ainsi sans renforts les éléments qui avaient forcé les lignes de l’adversaire. Les troupes de la 134ème division, qui venaient derrière ceux de Poti, n’exécutèrent pas leur mission à cause de l’encombrement des tranchées et aussi du feu nourri de l’artillerie ennemie. En partie elles se dispersèrent, en partie elles se cachèrent dans nos abris. Ceux de Gori et d’Ardogan qui ne voyaient venir aucun soutien, ni derrière eux ni sur leurs flancs, commencèrent à s’agiter : plusieurs compagnies dont tous les officiers étaient tombés, battirent peu à peu en retraite, suivies de toutes les autres, sans y être sérieusement contraintes par les Allemands, qui n’ouvrirent un feu violent d’artillerie et de mitrailleuses qu’au moment de la fuite des nôtres… Les troupes de la 29ème division n’occupèrent pas à temps voulu leur ligne de départ : les soldats, déprimés, avançaient sans enthousiasme. Un quart d’heure avant le commencement de l’action, le 114ème régiment, sur le flanc droit, refusa d’attaquer. On le remplaça par le régiment d’Erivan qui était en réserve. Pour des raisons inconnues, le 116ème et le 113ème régiments partirent trop tard.

« Après notre insuccès la déroute de nos soldats ne fit que croître et, à la nuit tombante, prit des proportions effrayantes. Les soldats fatigués, démoralisés, déshabitués du bruit de la bataille et du fracas des canons, affaiblis par tant de mois d’inaction, de repos, de fraternisations et de meetings, désertaient les tranchées, abandonnaient les fusils, les mitrailleuses, et regagnaient l’arrière.

« La lâcheté et l’indiscipline de certaines unités étaient si complètes que les chefs furent obligés de demander à notre artillerie de cesser le feu : nos propres canons semaient la panique parmi nos soldats » ([1]).

  1. Relation de l’état-major du 20ème corps.