Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/301

Cette page n’a pas encore été corrigée

presque tous les comités supérieurs et beaucoup de comités secondaires. Contre l’offensive se dressait la minorité de la démocratie révolutionnaire, représentée par les bolcheviks, les socialistes-révolutionnaires de gauche, les groupes de Tchernov et de Tséderbaum (Martov). Sur ce plateau de la balance, il convient de mettre encore un poids des plus légers… la démocratisation de l’armée.

Je n’ai pas sous la main le plan de groupement des armées russes, mais je puis affirmer que, dans tous les secteurs qui attaquaient, nous avions sur l’ennemi la supériorité du nombre et des moyens techniques. En particulier, nous possédions une profusion de pièces lourdes que nous n’avions jamais connue auparavant.

C’était au front Sud-Ouest qu’il appartenait d’expérimenter, pour la première fois, les qualités de l’armée révolutionnaire.

Entre le Sereth supérieur et les Carpathes (de Brody à Nadvornaïa) les positions que nous avions atteintes, en automne 1916, lors de l’avance victorieuse de Broussilov, au Nord du Dniestr, étaient maintenant occupées par le groupe d’armées du général Boehm-Ermolli. Ce groupe se composait de la 4ème armée autrichienne, sous les ordres du général Terstiansky (dans la direction de Bousk, en dehors de l’offensive principale), de la 2ème armée autrichienne, sous le commandement immédiat de Boehm-Ermolli (dans la direction de Zloczow) et de l’armée allemande du Sud qui avait à sa tête le comte Botmer (dans la direction de Bjézany) ([1]). Au Sud du Dniestr, la 3ème armée autrichienne du général Kirchbach formait l’aile droite du front des Carpathes, commandé par l’archiduc Joseph. Ces trois dernières armées étaient exposées à l’attaque de nos troupes de choc. Ces régiments austro-allemands avaient déjà, en été et en automne 1916, subi l’assaut des armées russes qui leur avaient infligé une série de sanglantes défaites. On avait, depuis, remplacé en partie les divisions décimées de Botmer par des troupes moins fatiguées, prélevées sur le front Nord ; quant aux armées autrichiennes plus ou moins réorganisées par des instructeurs allemands et la présence de divisions allemandes, elles ne constituaient pas cependant une force bien menaçante. Le quartier général allemand ne jugeait pas qu’elles eussent une grande capacité d’action.

Depuis le moment où les Allemands avaient établi à Tchervitch (sur le Stokhod) le quartier général de Hindenburg, toutes les opérations avaient été suspendues : on espérait la débâcle inévitable du pays et de l’armée russes ; la propagande allemande devait, d’ailleurs, y travailler. Les Allemands estimaient infime la valeur de notre force militaire. Néanmoins, dès qu’il eut appris nos préparatifs d’offensive, au début de juin, Hindenburg préleva sur son front Ouest (en France) six divisions allemandes qu’il envoya

  1. On y avait incorporé deux divisions turques.