temps la solution du problème militaire : « Le gouvernement est disposé, comme par le passé, à concourir à l’union toujours plus étroite des Ukrainiens au sein même de l’armée. Il est prêt à favoriser le recrutement de troupes uniquement ukrainiennes, autant que cette innovation n’ébranlera pas la force combative du pays. On pourra confier l’exécution de ce programme à des soldats ukrainiens que le « conseil » (Rada) central déléguera au Ministère de la Guerre, à l’état-major et au Grand Quartier Général ».
Les grandes « migrations des peuples » avaient commencé.
Des agents de l’Ukraine, répandus par tout le front, organisèrent des unions ukrainiennes et des comités : on prenait des décisions, on votait des motions exigeant le transfert des soldats d’Ukraine dans leurs régiments nationaux. On refusait d’aller aux tranchées, sous prétexte que « l’Ukraine était étouffée », etc. En octobre, le comité ukrainien du front occidental est prêt à employer la force contre le gouvernement qu’il veut contraindre à conclure immédiatement la paix.
Petlioura ([1]) affirmait avoir à sa disposition 50.000 soldats ukrainiens. Le colonel Obéroutchev ([2]), commandant les troupes de la région militaire de Kiev, déclare ce qui suit : « Au moment où l’on tentait des efforts héroïques pour repousser l’ennemi (offensive de juin), je n’ai pu envoyer aucun soldat sur le front. Dès que j’avais adressé l’ordre de faire partir une ou deux compagnies de marche à quelque dépôt — dont la vie n’avait jusqu’alors jamais été troublée et où l’on n’avait jamais parlé d’« ukrainisation » auparavant — un meeting se réunissait, on déployait le drapeau ukrainien jaune et bleu et l’on répétait :
— Nous marcherons sous notre étendard national. — Mais on ne bougeait pas. Des semaines, des mois s’écoulaient, et les compagnies ne se mettaient en marche ni sous le drapeau rouge, ni sous le drapeau jaune et bleu.
Était-il possible de lutter contre ces embusqués éhontés ? Obéroutchev répond lui-même à cette question — et sa réponse est frappante : on y retrouve bien le rigorisme abstrait des hommes de parti.
« Pour faire exécuter mes ordres, j’aurais pu, c’est bien évident, employer la force : cette force, j’en disposais. Mais si j’avais réprimé par la violence une rébellion couverte par le drapeau ukrainien, on ne m’aurait aucunement approuvé pour avoir sévi contre des manifestations anarchistes, on m’aurait reproché d’avoir lutté contre la liberté nationale, contre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Quant à moi, socialiste-révolutionnaire, je ne pouvais