vie morale que ceux du front. Ainsi, par exemple, le Soviet des députés officiers de Moscou fit paraître, au commencement d’avril, une résolution selon laquelle « le travail du Gouvernement Provisoire devait s’effectuer… dans l’esprit des revendications socialistes ( ?) et politiques de la démocratie, représentée par le Soviet des députés ouvriers et soldats », et qui exprimait le désir que dans la composition du Gouvernement Provisoire entrassent en nombre considérable les représentants des partis socialistes. Mais cette falsification de l’opinion des officiers devint encore plus manifeste : le Soviet des officiers de la ville de Pétrograd convoquait un congrès panrusse des députés officiers, des médecins et des fonctionnaires de l’armée à Pétrograd, pour le 8 mai. Cette décision était d’autant plus indésirable que le promoteur du congrès — le Comité exécutif, à la tête duquel se trouvait le lieutenant-colonel d’état-major Goustchine — avait pleinement démontré ses tendances déplorables : en participant à l’élaboration de la déclaration des droits du soldat ; en collaborant activement dans la commission de Polivanov, en flattant servilement le Soviet des députés ouvriers et soldats et en aspirant irrésistiblement à une fusion avec ce dernier. Cependant, lorsque la proposition en fut faite au Soviet, celui-ci considéra la fusion momentanément irréalisable pour différentes causes d’ordre technique.
Prenant en considération toutes ces circonstances, le Généralissime approuva la convocation d’un congrès des officiers à Mohilev, à condition qu’en aucun cas il ne serait fait usage de son nom, ni de celui du chef de l’état-major pour exercer une pression sur l’opinion. Mais cette attitude correcte compliqua, en quelque sorte, l’affaire : un certain nombre d’états-majors qui étaient contraires à cette idée, entravèrent la propagation de cet appel, et certains chefs de l’armée, comme, par exemple, le commandant de la région militaire d’Omsk, interdit absolument l’envoi des officiers au congrès. Dans différents endroits ce projet éveilla la méfiance des soldats et provoqua même des complications, en suite desquelles les promoteurs du congrès proposèrent aux sections militaires d’envoyer, en même temps que les officiers, aussi des soldats qui assisteraient aux réunions du congrès.
Malgré tous ces obstacles, il y eut plus de 300 officiers délégués qui s’assemblèrent à Mohilev, dont 76 % venaient du front, 17 % des unités de réserve et 7 % de l’arrière. Le 7 mai le congrès fut inauguré par un discours du Généralissime. Ce jour-là, pour la première fois, le haut commandement déclara, — non pas en conciliabule secret, ni dans un pli confidentiel, — mais ouvertement, pour que tout le pays pût entendre :
— La Russie marche à sa perte.
Le général Alexéiev disait :
— Bien souvent nous rencontrions dans les appels, les arrêtés, dans les pages de nos quotidiens cette phrase brève :