Le second point — relatif à la destitution de l’intendant en chef du régiment et à la nomination immédiate d’un nouvel intendant (évidemment ce devait être le rapporteur) — ne fut pas même entendu. Le président du Comité annonça :
— La parole appartient au membre du Comité exécutif du Soviet des députés ouvriers et soldats de Moscou, au camarade Sklianka.
On en avait assez des orateurs locaux ; l’arrivée d’un nouveau personnage, entouré, de plus, d’un certain prestige par les soins du Comité, excita l’intérêt général. La foule se rapprocha de l’estrade ; on fit silence. Un petit homme noir grimpa plutôt qu’il ne monta les degrés de l’estrade, et, une fois-là, nerveux et myope, il ne cessa de rajuster le lorgnon qui ne tenait pas sur son nez. Il se mit à parler avec volubilité, ardeur, et une gesticulation des plus animées.
— Camarades soldats ! Plus de trois mois se sont écoulés depuis que les ouvriers de Pétrograd et les soldats révolutionnaires ont rejeté le joug du tzar et de ses généraux. La bourgeoisie — en la personne de Terestchenko, le raffineur de Kiev bien connu, du fabriquant Konovalov, des propriétaires fonciers Milioukov, Goutchkov, Rodzianko et d’autres traîtres aux intérêts populaires et imposteurs du peuple russe, — s’est emparée du pouvoir.
L’attente du peuple russe tout entier, qui exigeait qu’on procédât immédiatement à la conclusion de la paix, que nous proposaient nos frères ouvriers et soldats allemands tout aussi déshérités que nous — se trouva être trompée, car Milioukov envoya un télégramme à l’Angleterre et à la France, leur faisant savoir que le peuple russe était prêt à combattre jusqu’à la victoire finale.
Le malheureux peuple russe comprit que le pouvoir était tombé entre les mains de gars encore plus hostiles aux ouvriers et aux paysans. C’est pourquoi le peuple éleva sa voix puissante et s’écria : « À bas les patates ».
La bourgeoisie maudite frémit de terreur en entendant la clameur puissante des travailleurs et, hypocrite, attira au pouvoir la soi-disant démocratie — les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks, qui de tout temps étaient liés d’amitié avec la bourgeoisie pour trahir les intérêts des travailleurs… »
Ayant ainsi esquissé de quelle manière s’était constitué le ministère de coalition, le camarade Sklianka décrivit avec plus de détails, les perspectives alléchantes de l’anarchie dans les campagnes et les centres manufacturiers où le « courroux populaire jettera bas le joug du capitalisme » et où « les biens de la bourgeoisie passeront graduellement aux mains de leurs véritables propriétaires, — les ouvriers et les paysans les plus indigents. »
— Les soldats ont encore d’autres ennemis, continua-t-il. Ce sont les serviteurs du gouvernement tsariste, qu’on vient de