émettait toutefois la crainte que les « mesures inévitables dont s’étaient vus forcés d’user le gouvernement et les autorités militaires… ne créent une atmosphère d’agitation démagogique de la part des contre-révolutionnaires qui agissent momentanément sous le couvert de l’établissement de l’ordre révolutionnaire, mais qui pourraient aussi tendre à se frayer un chemin vers la dictature militaire ».
Quoi qu’il en soit, la participation criminelle et directe des chefs du bolchevisme à l’émeute et à la trahison, une fois devenue manifeste, le gouvernement fut obligé de procéder aux répressions. Lénine et Appelbaum (Zinoviev), se réfugièrent en Finlande, tandis que Bronstein (Trotsky), Koslowsky, Raskolnikov, Remnev et beaucoup d’autres furent arrêtés. Plusieurs des journaux anarcho-bolchevistes furent interdits.
Cependant ces répressions ne furent pas strictement exécutées et un assez grand nombre de perturbateurs marquants ne furent pas mis en cause et poursuivirent, impunément, leur œuvre de destruction, avec la même énergie et persévérance.
Semant la guerre civile à l’intérieur de notre pays, les Allemands, tout aussi fermement et méthodiquement, mettaient à exécution leur autre projet — la paix sur le front. La fraternisation s’était déjà pratiquée avant la révolution, et, le jour de la Sainte Pâques, était même de tradition ; elle était déterminée par la tristesse et l’ennui sans issue qui s’empare des hommes dans les tranchées ; par la curiosité et simplement par un sentiment d’humanité même envers un ennemi — sentiment qui se fit jour chez le soldat russe plus d’une fois : sur les champs de Borodino, comme sur les bastions de Sébastopol et dans les montagnes des Balkans. Toutefois, alors, cette fraternisation n’était pas fréquente, ne portait aucunement le caractère d’une tendance dangereuse et était sévèrement réprimée par les supérieurs. Maintenant, par contre, l’état-major allemand avait organisé cette manœuvre sur une large échelle, sur toute l’étendue du front et avec la participation du haut commandement, avec des instructions élaborées dans les plus grands détails, où l’on envisageait : les reconnaissances de nos forces et de nos positions militaires ; la démonstration de l’outillage imposant et de la force de leurs positions, à eux ; la persuasion aux troupes russes de l’inutilité de la guerre ; la rébellion des soldats russes contre le gouvernement et les chefs militaires, uniquement intéressés à la continuation de ce « sanglant massacre ». Des monceaux de littérature défaitiste, apprêtée en Allemagne, étaient répandus dans nos tranchées. Tandis que les partisans du Soviet et du Comité visitaient en toute liberté les tranchées du front faisant la même propagande de fraternisation et distribuant toutes sortes de journaux et de