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encore, avec ceux qui, à l’étranger, composaient les nombreuses colonies d’émigrés. Le gouvernement allemand attirait à son service, direct ou indirect, tous ceux qu’il pouvait : des agents généraux d’espionnage et de recrutement, dans le genre de Parvous (Helfand) ; des provocateurs, affiliés à l’Okhrana russe (police de sûreté), tels que Blum ; des agents propagandistes —Lénine, Bronstein (Trotsky), Appelbaum (Zinoviev), Lounatcharsky, Ozoline, Katz (Kamkov) et bien d’autres. À leur suite venait toute une pléiade d’hommes bornés et peu scrupuleux qui, rejetés de leur pays, détestaient fanatiquement, — jusqu’à l’oubli de leur Patrie, — le régime qui les en avait chassés, ou bien qui voulant se venger, devenaient parfois une arme inconsciente entre les mains de l’état-major allemand. Quels furent leurs mobiles et pour quel prix et jusqu’à quel point ils vendirent la Russie — ce ne sont là que des détails : l’essentiel est qu’ils la vendirent, servant ainsi les buts que leur fixait notre ennemi. Tous, ils étaient intimement mêlés entre eux et avec les agents de l’espionnage allemand, formant ainsi un tout indissoluble.

On commença par une vaste propagande révolutionnaire séparatiste (ukrainienne) dans les camps de prisonniers de guerre. Comme l’atteste Liebknecht, le gouvernement germanique non seulement favorisait cette propagande, mais en développait une toute pareille, lui-même. Dans ces desseins travaillaient le « Comité de la propagande révolutionnaire » fondé en 1915 à la Haye, « l’Union pour la libération de l’Ukraine » — en Autriche, l’ « Institut de Copenhague » (organisé par Parvous) et un grand nombre de journaux révolutionnaires à tendances défaitistes, d’une part édités entièrement aux frais de l’état-major allemand, d’autre part seulement subsidiés ; c’étaient : le « Social-Démocrate » (à Genève — journal de Lénine), « Naché Slovo » (Paris — journal de Trotsky), « Na Tchoujbiné » (Genève — avec le concours de Tchernov, Katz et d’autres), le « Messager Russe », la « Rodnaya Rietch », la « Semaine », etc. Le « Comité de Secours intellectuel aux prisonniers de guerre en Allemagne et en Autriche » (Genève) qui était en rapports avec les autorités officielles de Moscou et recevait de là ses subsides, tout en s’occupant de ce travail purement philanthropique, ne dédaignait pas, en même temps, de répandre la littérature défaitiste et révolutionnaire.

Pour définir le caractère de toutes ces publications il suffira de citer une ou deux phrases qui expriment la manière de voir de leurs inspirateurs. Lénine dans le « Social-Démocrate » écrivait : « le moindre des maux serait l’effondrement de la monarchie tsariste, le plus barbare et le plus réactionnaire de tous les gouvernements… » Tchernov, le futur ministre de l’agriculture, dans la « Mysl » déclarait n’avoir qu’une seule patrie — « l’Internationale… »

En même temps qu’on faisait paraître ces publications, les Allemands invitaient les collaborateurs de Lénine et de Tchernov