fit preuve chaque fois que le front des Alliés s’était trouvé acculé à la défaite. Longtemps encore après la conclusion de la paix, lorsque j’errais par l’Europe, je rencontrais presque partout cette incompréhension totale du rôle de la Russie dans la guerre. Un exemple l’illustrera d’une manière caractéristique, bien que tant soit peu caricaturale : sur la bannière offerte au maréchal Foch par ses « amis Américains » sont représentés les drapeaux des différents états et colonies qui, d’une façon ou d’une autre, étaient entrés dans l’orbite de l’Entente, durant la grande guerre ; celui de la Russie y occupe la… 46ème place et vient après Haïti, l’Uruguay et directement après la république de San Marino…
Qu’est-ce donc, ignorance ou bassesse ?
Il nous faut en convenir, nous ne nous sommes pas souciés, lors de l’occupation de la Galicie, de créer le fondement d’une union nationale ; nous n’avons pas su attirer à nous l’opinion publique de la Roumanie, occupée par nos troupes ; nous n’avons rien entrepris pour empêcher les Bulgares de trahir les intérêts de la cause Slave ; enfin, nous n’avons aucunement su profiter de la présence sur territoire russe d’une grande masse de prisonniers de guerre pour leur donner une juste idée de ce qu’était la Russie.
Le quartier général de l’Empereur, étroitement renfermé dans les intérêts d’ordre purement militaire, relatifs à la marche de la guerre, ne faisait aucune tentative pour s’emparer de l’influence dominante sur les événements politiques, attitude qui correspondait à la conception de l’armée nationale comme auxiliaire du gouvernement. De même, le quartier général évitait d’agir sur l’opinion publique du pays dans le but d’attirer ce puissant facteur à une action morale commune dans la lutte contre l’ennemi. Aucun lien véritable n’existait entre lui et la presse, qui y était représentée par des personnages peu importants et sans aucune influence.
Lorsqu’arriva la révolution et que la tourmente politique s’empara de l’armée et l’entraîna dans son sillage, le Quartier général ne pouvait rester plus longtemps inerte. Il devait réagir lui-même, car, par malheur, il ne se trouva en Russie aucune force pour soutenir moralement l’armée : le gouvernement, et tout particulièrement le Ministère de la Guerre, marchaient dans la voie du plus irrésistible opportunisme ; le Soviet et la presse socialiste démoralisaient l’armée ; la presse bourgeoise tantôt en appelait aux consuls « afin que l’Empire n’éprouve aucun dommage », tantôt se réjouissait naïvement de la « démocratisation et de la libération de toute servitude… » Même dans les milieux de la haute bureaucratie militaire pétersbourgeoise, qui aurait dû être, semble-t-il, compétente, c’était un désarroi complet, qui plongeait dans la perplexité et l’effarement l’opinion publique du pays.
Cependant, il ne se trouva au Quartier général, ni l’organisation