dans l’armée. Je reviendrai sur ce sujet dans la suite du présent ouvrage.
Le Quartier Général allemand comprenait « un bureau de presse » admirablement outillé qui, outre l’influence et la pression qu’il exerçait sur la presse allemande, dirigeait aussi la propagande que l’on faisait pénétrer, de préférence, en Russie et en France. Milioukov cite la circulaire du Ministère des Affaires Étrangères allemand à tous ses représentants dans les pays neutres : « il est porté à votre connaissance que sur le territoire du pays auquel vous êtes accrédités, des bureaux spéciaux ont été créés pour organiser la propagande dans les états qui sont en guerre avec la coalition allemande. La propagande devra provoquer des mouvements sociaux et les grèves qui en résultent ; elle s’occupera de fomenter des émeutes révolutionnaires ; elle incitera au séparatisme et à la guerre civile ; de même, elle agira en faveur du désarmement et de la cessation du massacre sanguinaire. Nous vous prions de prêter appui et protection en toute occurrence, aux directeurs des bureaux de propagande cités plus haut ».
Il est curieux de rappeler ici qu’en été 1917, la presse anglaise s’éleva contre l’ambassadeur Buchanan et son ministère de propagande, dénonçant leurs absolue inertie dans l’œuvre de l’influence anglaise sur la démocratie russe, en ce qui concernait la lutte contre la propagande allemande en Russie. L’un des organes insistait sur le fait qu’à la tête du bureau de propagande anglaise en Russie se trouvaient des romanciers et de jeunes écrivains qui « en savaient autant de la Russie que de la métaphysique chinoise ».
Quant à nous, en Russie, nous ne possédions, ni dans le gouvernement, ni au Quartier général, aucun organe qui eût ressemblé, même de loin, aux puissantes institutions de propagande de l’Europe Occidentale. Une des sections du Quartier général établissait ses rapports techniques avec la presse, sans pour cela posséder ni importance ni influence réelles, ni aucun but d’activité précise. L’armée russe, tant bien que mal, combattait par des moyens encore primitifs, sans jamais recourir à la « corruption morale » de l’ennemi, comme on le pratiquait sur une si vaste échelle en Europe Occidentale ; cela ne valait d’ailleurs à la Russie que de nouveaux flots de sang. Si même il existe deux opinions différentes sur le côté moral d’une propagande destructive, par contre notre inertie et notre inactivité dans un domaine tout à fait positif, cette fois-ci, sont sans excuse. Nous n’avons absolument rien fait pour apprendre à l’opinion publique de l’étranger le rôle, d’une importance si exceptionnelle, joué par la Russie et l’armée russe dans la guerre mondiale ; nous ne lui avons pas fait connaître les énormes pertes et sacrifices supportés par le peuple russe ; nous ne lui avons pas fait voir les actes de sublime dévouement, — incompréhensibles, peut-être bien, pour le jugement froid et rationnel de nos amis et ennemis de l’Occident — dont l’armée russe