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La plupart des soldats veulent continuer la guerre. Ceux qui s’y refusent ont tort. Je ne puis croire que ce soient des lâches. Mais ils n’ont pas confiance. La discipline est chose nécessaire. Mais si le soldat comprend que vous n’en voulez pas à la démocratie, il vous suivra. C’est ainsi qu’on peut sauver l’armée, c’est ainsi que le Soviet a établi son autorité.

Si nous voulons le salut, il faut que la confiance renaisse, il faut « démocratiser » l’armée et le pays. C’est en marchant dans cette voie que le Soviet a su gagner les sympathies et qu’il a fait triompher ses idées. Tant qu’il en est ainsi, rien n’est perdu. Le nécessaire c’est de fortifier la confiance envers le Soviet !

SKOBELEV. — Nous ne sommes pas venus ici pour entendre des remontrances. Nous savons ce qui se passe à l’armée. Certes, la situation que vous venez de décrire inspire quelque inquiétude. Atteindre notre but, malgré tous les obstacles, sortir honorablement de nos embarras, voilà qui dépend de la grandeur d’âme du peuple russe.

Il est nécessaire, à mon avis, de vous exposer dans quelles circonstances l’ordre du jour numéro 1 a été promulgué. Dans les troupes qui avaient renversé l’ancien régime, les officiers ne s’étaient pas joints aux rebelles : pour leur arracher toute autorité, nous avons fait l’ordre numéro 1. Nous ne savions pas comment le front accueillerait la révolution. Cela nous inquiétait vivement. Les dispositions qu’on prenait nous alarmaient. Nous nous sommes aujourd’hui convaincus que ce n’était pas sans raison. Il faut parler franc : à la suite des mesures prises par les chefs, l’armée, au bout de deux mois et demi, ne se rend pas encore compte de la transformation qui s’est opérée.

Nous nous rendons compte de la difficulté de votre situation. Mais lorsqu’on nous demande d’arrêter la révolution, nous sommes obligés de répondre qu’une révolution ne commence ni ne s’arrête par ordre. La révolution pourra suivre son cours normal le jour où elle aura été comprise par toute la Russie, le jour où tous les illettrés, les 70% du peuple, en auront pénétré la signification.

Nous n’avons nullement l’intention d’imposer l’élection des chefs militaires par les soldats.

Nous reconnaissons — avec vous — que nous détenons l’autorité : nous l’avons conquise. Vous l’aurez à votre tour si vous savez comprendre les problèmes de l’heure présente, si vous savez expliquer au peuple les maximes de la révolution.

Le peuple doit savoir pourquoi il se bat. Vous êtes à la tête de l’armée et votre but est de terrasser l’ennemi. Exposez clairement qu’une offensive stratégique est indispensable à la réalisation des principes qui viennent d’être proclamés.

Nous espérons que le ministre de la guerre — ce ministre-révolutionnaire en qui nous avons mis toute notre confiance — continuera