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Grand Quartier, à laquelle prirent part le Généralissime, le Ministre de la Guerre Goutchkov, ses sous-secrétaires et les membres de l’état-major. J’y participai également en tant que futur chef de l’état-major du Généralissime. La conférence fut saisie d’un projet de loi tout prêt apporté de Sébastopol par le colonel de l’état-major Verkhovsky, et rédigé conformément au règlement qui était déjà en vigueur dans la flotte de la mer Noire.

La discussion s’engagea entre deux opinions diamétralement opposées dont je représentais l’une et Verkhovsky ([1]) l’autre.

À cette époque, Verkhovsky avait déjà commencé son activité quelque peu démagogique qui lui avait gagné, au début, les sympathies des soldats et des marins. Il avait pour lui l’expérience, encore que toute récente, de l’organisation de ces éléments ; une argumentation appuyée d’un grand nombre d’exemples concrets, — je ne sais s’il les empruntait à la réalité ou à son imagination ; une élasticité désinvolte dans les convictions et une éloquence impressionnante. Il idéalisait les comités, insistait sur leur utilité, sur leur nécessité et même sur leur caractère « étatiste », y voyant un principe qui règle le mouvement amorphe et désordonné des soldats, et se prononçait chaleureusement pour l’extension des compétences et des droits des comités.

J’indiquai que l’institution des comités était une mesure que l’organisme de l’armée ne saurait digérer, qu’elle équivalait à la destruction de l’armée. Si le pouvoir était impuissant à vaincre ce phénomène, il fallait, tout au moins, en atténuer les conséquences. Pour cela il fallait, à mon avis, limiter les pouvoirs des comités à des fonctions d’administration économique ; augmenter le nombre d’officiers qu’ils comportent et s’opposer au développement ascendant des organisations afin d’en empêcher la fusion et la centralisation auprès des unités importantes de l’armée, telle que divisions, corps d’armée, armées d’un front entier. Malheureusement, je ne réussis que dans une très faible mesure à faire triompher mon opinion, et le 30 mars parut l’ordre du jour du Généralissime, n° 51, stipulant « la transition à des formes nouvelles de l’existence » et invitant « les officiers, les soldats et les marins à une collaboration commune et cordiale en vue d’instaurer dans les unités de l’armée un ordre rigoureux et une discipline stable ».

Les grandes lignes du « statut » étaient les suivantes :

1) La destination essentielle de toute l’organisation : a) renforcer la combativité de l’armée et de la flotte afin de mener la guerre jusqu’à la victoire finale ; b) élaborer les formes nouvelles de la vie du soldat-citoyen de la Russie libre ; c) répandre l’instruction dans l’armée et la flotte.

2) La forme de l’organisation : organes permanents : comités de compagnie, de régiment, de division et de corps d’armée ; organes

  1. Plus tard Ministre de la Guerre.