réduit d’un million. Au cours de la discussion, il fut constaté que le nombre des non-combattants dans l’armée s’était démesurément accru ; qu’elle comprenait trop de services auxiliaires d’une utilité douteuse tels que les organisations ouvrières, les formations de travailleurs allogènes, chinois et autres, etc. On parlait également de rajeunir l’armée.
Très inquiet de cette manière de voir, je chargeai mes officiers de service de réunir des données statistiques relatives à toutes les catégories de personnes mentionnées plus haut. Mais, tandis qu’on était en train d’exécuter ce travail, vint l’ordre du Ministre de la Guerre prescrivant la libération pour la durée des travaux agricoles de tous les soldats des zones intérieures ayant dépassé l’âge de 40 ans. Le terme de leur congé était fixé au 15 mai ; plus tard il fut prolongé jusqu’au 15 juin, mais en fait presque personne n’est revenu. Le 10 avril, le Gouvernement Provisoire ordonna le licenciement définitif de tous les soldats ayant dépassé l’âge de 43 ans.
Le premier ordre fit naître la nécessité psychologique d’en étendre les effets à l’armée du front, qui aurait vu d’un mauvais œil des privilèges octroyés à l’arrière ; le deuxième ordre suscitait des tendances fort dangereuses, car il impliquait, en fait, le commencement de la démobilisation de l’armée. Aucune réglementation ne pouvait désormais mettre une barrière au désir véhément et spontané des classes libérées de regagner au plus vite leurs foyers ; des foules immenses de ces hommes se précipitant dans les gares des chemins de fer désorganisèrent longtemps les transports. Certains régiments, formés de bataillons de réserves, perdaient du coup une grande partie de leurs effectifs ; l’arrière du front, les convois, les transports, se trouvait complètement désorganisés ; les soldats, sans attendre d’être relevés, abandonnaient le matériel et les chevaux ; l’un était pillé, les autres mouraient.
Toutes ces circonstances avaient affaibli l’armée et, par conséquent, reculé le moment où elle aurait dû être prête au combat.
Sur un front immense, de la mer Baltique à la mer Noire et de la mer Noire à Khamadan, s’étendaient les positions russes. Il y avait là 68 corps d’infanterie et 9 corps de cavalerie. (Voir les deux cartes ci-contre.)
L’importance, la situation générale des différents fronts variaient considérablement. Notre front du Nord ([1]), comprenant la Finlande, la mer Baltique et la ligne de la Duna Occidentale, avait une grande importance, car il couvrait les abords de Pétrograd, mais son rôle était rigoureusement adapté aux besoins de la défense. Par conséquent on ne pouvait y affecter ni des forces considérables, ni une nombreuse artillerie lourde. La nature du théâtre de la guerre, la ligne de défense très forte sur la Duna, une série de
- ↑ Commandé successivement par les généraux Rouzsky, Dragomirov, Klembovsky, Tchérémissov.