des autres se trouvait empirée, l’état de guerre ayant suspendu certaines garanties professionnelles et attaché les ouvriers mobilisés à des entreprises déterminées. D’autre part, les conditions de l’existence étaient devenues plus pénibles, en raison de la hausse générale des prix et des difficultés de ravitaillement.
Dans ces conditions anormales, l’industrie russe parvenait cependant, tant bien que mal, à remplir sa tâche. Ce fut la révolution qui lui porta le coup décisif, lequel détermina sa déchéance et sa disparition. L’œuvre législative du Gouvernement Provisoire partait de deux principes : d’une part, il était reconnu indispensable que le Gouvernement exerçât son contrôle sur la vie économique du pays et la réglât au moyen d’une imposition rigoureuse des bénéfices « de guerre » des industriels ; qu’il organisât également la répartition des combustibles, des matières premières et des vivres. Cette dernière mesure mettait en fait, en dehors de la vie économique du pays, la classe des industriels et des commerçants et lui substituait des organisations démocratiques. Les bénéfices de guerre s’en trouvèrent-ils supprimés ou bien ne firent-ils que passer d’une classe à une autre ? Il serait difficile de le dire. D’autre part, le Gouvernement se préoccupait de toute façon de la protection du travail, élaborant et décrétant des lois relatives à la liberté des coalitions, aux Bourses de travail, aux conseils de prud’hommes, à l’assurance sociale, etc.
Malheureusement, l’impatience, la tendance à créer un « droit » arbitraire, phénomènes qui s’étaient fait jour à la campagne, se reproduisirent dans la même mesure dans les usines et les fabriques. Dès les premiers jours de la révolution, les ouvriers instituèrent, de leur chef, la journée de 8 heures, les comités des usines, les conseils de prud’hommes et, plus tard, le contrôle ouvrier. Mais les comités ne surent s’élever à la compréhension des intérêts nationaux dans toute leur ampleur, et les conseils de prud’hommes ne surent acquérir l’autorité indispensable. La propagande, qui trouvait un terrain favorable dans les aspirations égoïstes tant des industriels que des masses ouvrières, battait son plein, appliquant dans l’industrie les mêmes méthodes que dans l’armée. Ce fut le commencement de la débâcle générale. Pour y parer, le pouvoir n’avait recours qu’à ce seul moyen : les appels.
Tout d’abord, il arriva la même chose que pour le commandement de l’armée : l’appareil d’organisation technique fut détruit de fond en comble. On élimina en masse les personnes qui se trouvaient à la tête des entreprises ([1]), on congédia en masse leur personnel technique et administratif. Ces destitutions étaient accompagnées d’insultes, parfois de violences, autant d’actes de vengeance pour d’anciens torts réels ou imaginaires. Une partie du personnel
- ↑ Dans l’industrie de l’Oural, par exemple, sur 20 directeurs des entreprises, il ne resta que 4.