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fait preuve d’aucune capacité créatrice. On pourrait citer encore beaucoup de causes, grandes et petites, qui, pour parler objectivement et sans parti pris, se résument toutes en cette formule laconique : l’ancien régime, la guerre et la révolution.

Le 29 mars, le Gouvernement Provisoire décrétait le monopole du blé. Tout l’excédent de blé, après défalcation des quantités normales indispensables pour la consommation du producteur, pour l’ensemencement et pour la nourriture du bétail, devait être livré à l’État. En même temps, le Gouvernement augmentait de nouveau les prix fermes du blé et promettait de régler de même les prix de tous les objets de première nécessité, tels que fer, tissus, cuirs, pétrole, etc. Cette dernière mesure, que tout le monde reconnaissait pour juste et à laquelle le Ministre du ravitaillement, Piechekhonov, attachait une très grande importance psychologique, ne put être réalisée dans l’état de désorganisation générale où se débattait le pays.

Le pays fut couvert d’un immense réseau d’organisations de ravitaillement, dont les frais atteignaient 500 millions de roubles par an, mais qui furent impuissantes à venir à bout de leur tâche.

La campagne, qui avait cessé de payer les impôts et les fermages ; qui était saturée de papier-monnaie en échange duquel elle n’obtenait pas de marchandises équivalentes, la campagne empêchait l’arrivage du blé. La propagande et les appels ne produisaient aucun effet ; il fallut, par endroits, recourir à la force.

Finalement, dans son appel publié le 29 août, le Gouvernement fut amené à constater la situation très grave du pays : les réserves de vivres diminuent sans cesse ; « les villes, des départements entiers et le front lui-même éprouvent un manque sensible de pain, encore qu’il y en ait assez dans le pays ([1]) » ; nombreux sont ceux qui n’ont pas encore livré la récolte de l’année dernière et ceux qui font de la propagande pour empêcher les autres de faire leur devoir. Afin de « parer au danger mortel suspendu sur la Patrie », le Gouvernement, une fois de plus, augmentait les prix fermes, menaçait les réfractaires de mesures de rigueur et promettait à nouveau de faire le nécessaire pour régler les prix et la répartition des objets indispensables à la campagne.

Cependant, le cercle vicieux des divers intérêts politiques, sociaux et de classe, se rétrécissait de plus en plus autour du Gouvernement, paralysant sa volonté et son activité.

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Non moins grave était l’état de l’industrie qui se précipitait vers la ruine. Ici encore, de même que dans la question

  1. L’exportation annuelle du blé russe à l’étranger était, avant la guerre (de 1909 à 1914), de 870 millions de pouds en moyenne.