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Pologne libre ». Cet acte, juridiquement contestable, répondait, cependant, d’une façon absolue, à l’idée que l’opinion publique se faisait du droit. En ce qui concerne la Finlande, le Gouvernement., sans modifier les rapports juridiques entre ce pays et la Russie, confirma ses droits et privilèges, abrogea toutes les restrictions imposées à la constitution finlandaise et convoqua une Diète à laquelle devaient être présentés les projets de lois relatifs au nouveau régime du grand-duché. Pour le reste, le gouvernement faisait l’accueil le plus favorable à toutes les aspirations justifiées des Finlandais tendant à l’autonomie locale. Cependant la tendance générale à la réalisation immédiate et absolue des intérêts nationaux privés aboutit à une lutte prolongée pour le pouvoir entre la Finlande et le Gouvernement Provisoire. Le 6 juillet, la Diète vota, à la majorité des voix social-démocrates, une loi en vertu de laquelle le grand-duc de Finlande ([1]) ayant abdiqué, le pouvoir suprême passait à la Diète et la juridiction du Gouvernement Provisoire ne s’étendait qu’aux relations extérieures, à la législation et à l’administration militaires. Cette décision répondait en quelque mesure au vote des Congrès des Soviets revendiquant pour les Finlandais, avant même que l’Assemblée Constituante se fut prononcée, une indépendance absolue avec les restrictions énoncées plus haut. À cet acte, impliquant de fait pour la Finlande la séparation de la Russie, le Gouvernement répondit par la dissolution de la Diète qui, d’ailleurs, se réunit de nouveau de son chef au mois de septembre.

Cette lutte se poursuivit tantôt en s’aggravant, tantôt en s’atténuant, suivant le baromètre politique de Pétrograd (les crises ministérielles). Quoi qu’il en soit, les hommes politiques de Finlande misaient — sans tenir aucun compte des intérêts de l’État dans son ensemble et ne disposant d’aucune force armée, — uniquement sur la loyauté ou, plutôt, sur la faiblesse du Gouvernement Provisoire.

Les choses n’allèrent pas jusqu’à une insurrection ouverte ; sinon pour des motifs de loyauté, du moins par crainte des conséquences d’une lutte intestine, surtout conduite avec les procédés dont on pouvait s’attendre des masses indisciplinées des soldats et des marins, la partie raisonnable de la population maintint le pays dans certaines limites.

Les mois de mai et de juin furent remplis de la lutte pour le pouvoir entre le Gouvernement et la Rada Centrale arbitrairement constituée dans l’Ukraine. De plus, le Congrès militaire pan-ukrainien, qui se réunit, sans autorisation, le 8 juin, exigea du Gouvernement l’acceptation immédiate de toutes les revendications de la Rada Centrale et des Congrès, proposant en même temps à la Rada de ne plus s’adresser au Gouvernement, mais d’entreprendre

  1. On sait que c’était un des titres de l’empereur de Russie (Note du traducteur).