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CHAPITRE XII

L’œuvre du Gouvernement Provisoire : politique intérieure ; administration ; la ville et la campagne ; la question agraire.


Dans ce chapitre et dans le suivant je tracerai un bref aperçu de la situation intérieure de la Russie pendant la première période de la révolution et dans la mesure seulement où la conduite de la guerre mondiale s’en ressentait.

J’ai déjà parlé de la dualité du pouvoir chargé de la direction suprême du pays, et de la pression continuelle que le Soviet exerçait sur le Gouvernement Provisoire. À la conférence de la Douma d’Empire V, Choulguine donna de cet état de choses cette définition frappante : « l’ancien pouvoir est enfermé à la forteresse Pierre et Paul et le nouveau pouvoir est gardé à vue à domicile ».

Le Gouvernement Provisoire qui était loin de représenter la nation entière ne voulait pas anticiper les décisions de l’Assemblée Constituante et réaliser des réformes modifiant radicalement l’ordre politique et social de l’État. Il « mettait à la base de l’administration de l’État non pas la violence et la coercition, mais la soumission bénévole des citoyens libres à un pouvoir qu’ils ont eux-mêmes créé… Pas une goutte de sang n’a été versée par sa faute, aucune tendance de la pensée sociale n’a été entravée par la force[1]… » À ce moment où se poursuivait une lutte atroce que ne tempérait aucun scrupule moral ou patriotique, lutte pour la conservation de certains groupes de la population et pour la réalisation par la violence des revendications démesurées des autres, une pareille non-résistance était un aveu incontestable d’impuissance. Plus tard, dans les déclarations du deuxième et du troisième ministères de coalition, nous entendrons parler « des mesures les plus décisives » contre les forces qui désorganisent le pays. Mais ce ne furent que des paroles non suivies d’actes.

Le Gouvernement ne réussit point à « ne pas anticiper » la volonté de l’Assemblée Constituante, surtout en ce qui concerne l’auto-disposition nationale. Le Gouvernement promulgua l’acte de l’indépendance de la Pologne faisant toutefois dépendre de l’Assemblée Constituante Panrusse « l’assentiment aux modifications du territoire de Russie indispensables pour la constitution d’une

  1. Déclaration officielle du 25 avril 1917.