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annexions et contributions », on stipulait, cependant, que « tant que la guerre durait, l’effondrement de l’armée, l’affaiblissement de sa résistance, de sa fermeté, de sa capacité d’opérations actives, eût été le plus grand coup porté à la cause de la liberté et aux intérêts vitaux du pays ». Au commencement de juin, le deuxième Congrès vota une nouvelle résolution, laquelle, tout en déclarant d’une façon déterminée que « la question de l’offensive devait être résolue uniquement du point de vue des considérations purement militaires et stratégiques », exprimait, cependant, une idée toute défaitiste : « La terminaison de la guerre, qui impliquerait la débâcle de l’un des partis belligérants, deviendrait la source de nouvelles guerres, aggraverait les dissensions entre les peuples et les conduirait à l’épuisement total, à la famine et à la ruine ». La démocratie révolutionnaire confondait évidemment deux notions : la victoire stratégique marquant la cessation de la guerre, et les conditions de la paix, qui peuvent être humaines ou inhumaines, justes ou injustes, prévoyantes ou à courte vue.

Ainsi donc, la guerre, l’offensive, mais sans victoire.

Il n’est pas sans intérêt de noter que la même formule avait été énoncée, dès 1915, par le député prussien, rédacteur du Vorwaerts, H. Stroebel : « Je déclare ouvertement que la victoire complète de l’empire ne sera pas dans les intérêts de la social-démocratie ».

Il n’y avait pas de domaine de l’administration dont le Soviet et le Comité Exécutif ne se fussent mêlés, apportant partout cette même duplicité, ce manque de sincérité, qui avaient pour cause, d’une part, la crainte d’enfreindre les dogmes essentiels de leur doctrine et, d’autre part, l’impossibilité évidente de les mettre en pratique. Pour ce qui était de la construction de l’État, il n’y avait et il ne pouvait y avoir aucun travail créateur. Dans le domaine de la vie économique du pays, dans les questions agraire et ouvrière, ce travail se bornait à la publication des programmes socialistes grandiloquents, empreints de l’esprit de parti, et dont la réalisation dans l’état d’anarchie, de guerre et de ruine économique où se trouvait le pays, était impossible même aux yeux des ministres socialistes. Cependant, ces résolutions et ces appels étaient accueillis par le peuple, dans les usines et à la campagne, comme autant de « licences », qui excitaient les passions et provoquaient le désir de mettre en œuvre immédiatement et de son propre chef les formules proclamées. Et après que l’esprit des masses eût subi cette « préparation » excitante, on leur adressait des appels à la modération : « Exiger l’exécution immédiate et sans réplique de toutes les prescriptions du Gouvernement Provisoire que celui-ci jugera bon de promulguer dans l’intérêt de la révolution et de la sécurité extérieure du pays ([1]) ».

  1. Appel aux marins de Cronstadt, le 26 mai 1917.