Page:Demosthene - Plaidoyers civils, Dareste, 1875, T02.djvu/351

Cette page n’a pas encore été corrigée

prêter à tous les désirs de ceux qui la prennent à leur service ? Et c’est une pareille femme, publiquement connue de tous pour avoir couru le monde entier, que vous déclareriez Athénienne ? Que répondrez-vous quand on vous demandera : Quelle belle action avez-vous faite ? De quelle souillure, de quel sacrilège, n’allez-vous pas vous charger vous-mêmes ? Jusqu’au jour où cette femme a été accusée, où le débat s’est engagé, où tout le monde a su qui elle était, quels sacrilèges elle avait commis, elle seule était coupable, vous n’étiez que négligents. Et encore, parmi vous, les uns ne savaient pas ; les autres, bien informés, exprimaient leur indignation en paroles sans pouvoir passer aux effets, tant que personne ne mettait en cause la coupable et n’appelait à voter sur elle. Mais aujourd’hui il n’y a pas un de vous qui ne soit instruit ; tout dépend de vous, et vous êtes les maîtres de punir. C’est donc vous qui devenez responsables du sacrilège envers les dieux si vous ne punissez pas cette femme. Et puis, au retour, que dirait chacun de vous à sa femme, à sa fille, à sa mère, après avoir prononcé l’acquittement de l’accusée ? On vous demandera où vous étiez. Vous répondrez : « Nous avons siégé comme juges. » On voudra savoir aussitôt qui vous avez jugé : « Nééra, direz-vous, n’est-il pas vrai ? Et voici ce qu’elle a fait : Étant étrangère, elle vit avec un Athénien, contrairement à la loi ; elle a donné en mariage à Théogène, quand il était archonte-roi, sa Ille déjà prostituée. Enfin, cette fille a offert au nom d’Athènes les sacrifices mystérieux, et a été donnée pour épouse à Dionysos. » Vous direz cela, et le reste, reprenant ainsi toute l’accusation, car elle vous a été présentée sur chaque chef, avec assez de soin pour se graver aisément dans vos mémoires. Quand vous aurez fini on vous adressera cette question : « Eh bien, qu’avez-vous fait ? »