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juges qui rendirent alors l’arrêt ne furent pas de cet avis, et de cela tout au moins j’ai pour eux une profonde reconnaissance. Ils ne consentirent pas à voir ruiner Apollodore, et fixèrent le chiffre de la condamnation à un talent, somme qu’il pouvait arriver à payer quoique non sans peine. C’est donc avec juste raison que nous avons entrepris de rendre la pareille à Stéphanos. D’ailleurs, ce n’est pas la seule fois qu’il ait cherché à nous perdre. Un autre jour, il a voulu faire bannir Apollodore. Il a soulevé contre lui une calomnie, il a prétendu qu’Apollodore s’étant rendu à Aphidna (09), à la poursuite d’un esclave fugitif, avait frappé une femme et que cette femme était morte du coup qu’elle avait reçu. Il suborna des esclaves qu’il fit passer pour des marchands de Cyrène, et cita Apollodore à comparaître au Palladion (10), pour cause de meurtre. L’affaire fut plaidée par Stéphanos en personne. Il attesta sous la foi du serment qu’Apollodore avait tué cette femme de sa main. Il prononça des imprécations contre lui-même, sa race et toute sa maison (11). Or, le fait était faux. Il ne l’avait ni vu, ni appris par ouï-dire, de qui que ce fût. Convaincu de faux serment et de calomnie, reconnu pour s’être mis aux gages de Képhisophon et d’Apollophane, et pour avoir reçu d’eux de l’argent afin de faire condamner Apollodore au bannissement ou à l’atimie, il obtint un petit nombre de suffrages sur les cinq-cents (12), et sortit de là avec un parjure et la réputation d’un méchant homme.

Voyez maintenant, juges, en calculant en vous-mêmes le cours ordinaire des choses, que serais-je devenu, moi et ma femme, et ma sœur, si Apollodore avait eu, par malheur, le sort que lui préparait Stéphanos, soit dans le premier procès, soit dans le second ? Dans quel abîme de honte et de calamité ne serais-je pas tombé ? Aussi, de toutes parts on vient me trouver, on m’exhorte à tirer à tirer