membre du conseil, ou de thesmothète, ou toute autre, comment saura-t-on lequel de nous deux aura été désigné par le sort, à moins qu’on ne mette sur le jeton(10) une marque distinctive comme on en peut mettre sur tout autre objet ? Et encore, dans ce cas même, le plus grand nombre ne saura pas à qui de nous deux appartient cette marque. Bœotos prétendra donc que c’est lui que le sort désigne, je soutiendrai que c’est moi. Pour sortir d’embarras, il faudra aller en justice. Ainsi, dans chacun de ces cas, l’État devra constituer un tribunal, et nous, nous perdrons l’avantage du principe d’égalité qui veut que les magistratures soient déférées par la voie du sort ; il faudra que nous nous déchirions l’un l’autre, et celui qui aura parlé le plus fort sera magistrat. Peut-être alors ferions-nous bien de nous entendre pour oublier nos querelles, au lieu de renouveler les attaques et les diffamations, danger qui serait inévitable si nous plaidions entre nous, soit pour une fonction, soit pour tout autre sujet. Mais qu’arrivera-t-il alors, — car il faut bien examiner la question sous toutes ses faces, — si, avant de participer au tirage, l’un de nous convient avec l’autre que ce dernier, s’il est désigné par le sort : lui abandonnera la fonction ? N’est-ce pas là prendre part au tirage avec double bulletin ? Eh bien, ce fait, que la loi punit de mort, nous sera-t-il permis de le commettre impunément ? Oui, comme vous le voyez. Mais nous ne sommes pas capables de faire cela. Je le sais bien, du moins pour ce qui me concerne. Néanmoins il n’est pas bon que certaines personnes soient exposées à une accusation aussi grave, lorsque cet inconvénient peut être évité.
Soit, me direz-vous, mais ce sont là les griefs de l’État. Voulez-vous savoir ceux qui me touchent personnellement ? Voyez combien ils sont considérables, et jugez