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LA ROBE DE SOIE


II


En cachette, la mère avait vendu l’anneau
Nuptial, la couronne ornant l’humble panneau…
Il restait dans un coin, (et personne n’y pense),
Une pièce de soie entière, récompense
Que Jacque avait reçue autrefois du patron :
Pour l’habile ouvrier, c’était comme un blason.
La teinte en était blanche et de fleurs nuancée :
Quand Madeleine un jour deviendrait fiancée,
Comme robe de noce on la lui donnerait.
L’enfant avait sept ans ; elle n’épouserait
Que dans dix ans peut-être, et la robe splendide
Attendait, dans l’armoire où se faisait le vide.
Le père furetait partout. Il mit la main
Sur ce cher souvenir, d’un effort surhumain
Le ravit, et, comme il courait ouvrir la porte,
Sa femme l’arrêta, criant : Ciel ! il emporte
La robe de sa fille ! Oh ! non, pas aujourd’hui,
Attends !
 Sombre, il resta cloué dans son réduit.
Madeleine, de plus en plus faible, étendue
Sur son lit, à ces mots devint tout éperdue :
Ma robe, oh ! je la veux, dit-elle en souriant,
Celle qu’on me mettra, mère, en me mariant ;