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Courrier de l’Ouest, qui se publie à Windsor chaque semaine, est le seul organe de cette colonie de plus en plus prospère. Le climat du comté d’Essex est fort doux, les fruits y abondent et la culture de la vigne y a pris une grande extension. C’est là que se trouve la Pointe Pelée, près de laquelle on récolte les bons petits vins blancs de Diana et Catawba avec lesquels nous avions fait connaissance à Toronto.

Détroit, dont la fondation remonte au chevalier de Cadillac, n’est séparé du Canada que par la rivière qui unit le lac Érié au lac Saint-Clair et au lac Huron. Après la conquête anglaise, Détroit et la région environnante ont été un foyer de résistance contre les conquérants. C’est sur ce sol que le célèbre chef sauvage Pontiac souleva les Indiens contre la domination anglaise et, soutenu par quelques Français, résista pendant plus de deux années aux forces supérieures que le gouvernement britannique lança contre lui.

Aujourd’hui encore les descendants des colons français ont su conserver parmi eux la langue de leurs pères et forment un sixième environ de la population de la ville. Afin de donner un point d’appui à la langue française, quarante dames de Détroit ont fondé tout récemment une académie dont les membres se réunissent toutes les semaines. Ces dames ont surnommé leur assemblée le Monde où l’on s’ennuie, et leur présidente, la baronne Salvador, a fait part à l’auteur de cette charmante comédie de la naissance de la Société. M. Édouard Pailleron, dans une lettre fort spirituelle, a accepté avec empressement le parrainage d’une académie dont il ne soupçonnait guère l’heureuse arrivée en ce monde.

C’est entre Toronto et Détroit que l’on prend, non loin de la ville déjà importante d’Hamilton, la bifurcation qui conduit à Niagara Suspension-Bridge (Pont-Suspendu). Je n’ai pas l’intention de décrire ici cette incomparable merveille que tout le monde connaît, même sans l’avoir vue, et que les Sauvages, dans leur langage imagé, appellent le « Tonnerre des eaux. » Qu’il suffise de dire que, pour avoir une idée de la puissance de la chute, dont la hauteur égale celle des tours Notre-Dame et dont le volume d’eau est douze fois supérieur à celui de la Seine, il faut descendre couvert d’un vêtement spécial, peu poétique mais fort commode, dans le lit escarpé du fleuve et pénétrer, jusqu’en dessous de la cataracte. Là seulement,