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OTTAWA

le gouverneur général, lord Lansdowne, qui accueille avec bienveillance tous ceux qui lui sont individuellement présentés. Successeur du marquis de Lorne et de lord Dufferin, deux hommes qui ont laissé les meilleurs souvenirs parmi les Canadiens-Français, le marquis de Lansdowne, bien que protestant, a dû à son tact et à sa profonde connaissance de la langue française, d’être tout de suite sympathique dans le Bas-Canada. Puis viennent les cérémonies habituelles : réception à l’hôtel de ville où le maire, M. Mac Dougal, revêtu de ses insignes d’apparat, donne lecture en français, d’une adresse conçue dans les termes de la plus sympathique courtoisie : réponse, toujours fine de M. de Molinari ; exercices de la brigade de feu, remarquables à tous les points de vue ; lunch offert par la ville ; toasts nombreux… oh ! pardon, il n’y en eut qu’un, et très bref, suivi d’un remerciement.

Les bâtiments officiels sont le principal ornement d’Ottawa. Élevés autour d’une vaste place, ils sont remarquables par leur masse imposante, leur structure bizarre et un assemblage de pierres rocailleuses faisant beaucoup plus d’effet de loin que de près. Deux de ces blocs sont occupés par le gouverneur général et les services des ministères. Mais bien que ces édifices soient très grands, ils sont déjà notoirement insuffisants ; ils ne passent pas, en outre, pour être très pratiquement aménagés. Le bâtiment principal, situé au sommet de la colline qui domine l’Outaouais, dont les bords ont été transformés en jardin anglais, est consacré tout entier au Parlement fédéral.

C’est là en effet que siègent Chambres et ministres, depuis 1866, un an avant l’acte qui a créé la Confédération canadienne. Bien des luttes parlementaires ont déjà eu lieu dans cette enceinte entre les deux partis politiques qui se disputent le pouvoir : le parti conservateur et le parti libéral ou grit, qu’on appelle aussi le parti rouge. À l’aile droite des conservateurs marchent les castors ou ultramontains, mais ce n’est qu’une avant-garde généralement confondue dans le gros des troupes conservatrices. Cette division des partis correspond assez à celle des torys et des whigs, mais, moins encore qu’en Angleterre, il n’y a de différence entre les programmes des conservateurs et des libéraux ; des nuances seules les séparent. Il n’y a point de radicaux ni de socialistes, et le nom de parti rouge ne saurait être pris un seul instant dans le sens qui lui est donné en France, car les rouges canadiens ne