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OTTAWA

par la Compagnie du Pacifique, entre-t-il en gare que des acclamations et des hourras éclatent de toutes parts. La musique de la ville fait entendre ses plus vigoureux accents, au milieu du brouhaha causé par le sifflet de la locomotive et le son retentissant de sa cloche d’alarme, les détonations des pétards et des boîtes à mitraille. On ne s’entend plus, on est littéralement étourdi ; mais cela ne fait rien, la démonstration n’en est que plus imposante, l’enthousiasme est à son comble : Vive le Canada ! Vive la France !

Tout le village est pavoisé de drapeaux uniquement tricolores, chacun voulant par cette démonstration témoigner de ses sentiments français, et les plus pauvres maisons ont tenu à prendre un air de fête. Les habitants ont bien conservé leur type d’origine. À voir ces figures ouvertes, respirant la bonne humeur et la curiosité, à entendre parler français avec cette accentuation particulière à nos paysans, on se croirait au cœur d’une bonne petite ville de Normandie. On se sent revivre à cette atmosphère et toutes les fatigues du voyage s’évanouissent comme un rêve au contact de ces braves habitants dont les cœurs battent à l’unisson des nôtres.

Saint-Jérôme rappelle tout à fait ces villes de la Puzta magyare aux larges rues poussiéreuses, aux maisons spacieuses et de peu d’élévation disséminées sur une grande étendue de terrain. Le chemin de fer, dont Saint-Jérôme est le terminus, doit se prolonger dans la direction du lac Témiscamingue, limite actuelle de la colonisation et centre futur d’une forte population de race française.

Après un Te Deum chanté par le curé Labelle, dont l’émotion gagne tous les assistants, nous visitons la fabrique de papier de M. Rolland et les scieries établies sur les bords pittoresques des cours d’eau, cascadant au milieu des rochers à l’ombre des grands bois. Tous les habitants ont mis chevaux et voitures à notre disposition et c’est à qui se montrera le plus obligeant et le plus empressé vis-à-vis de nous. De plus, pendant notre excursion, une cinquantaine de cavaliers, ornés de rubans tricolores et de la feuille d’érable, symbole du Canada, galopent à droite et à gauche de notre interminable file de voiture, en nous faisant escorte. Ces braves jeunes gens ont dû absorber une dose considérable de poussière, si l’on en juge d’après ce que nous avons récolté nous-mêmes, mais y en a-t-il eu un seul parmi eux qui y ait seulement