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LES MONTAGNES ROCHEUSES

la nature disparaîtront peu à peu. La rapidité avec laquelle la voie a été construite ne permettait pas de l’entourer de prime abord de toutes les mesures de précautions qui viendront en leur temps.

La partie la plus curieuse du défilé dont la traversée ne demande pas moins de trois quarts d’heure, est certainement la dernière. Ici le feu a épargné la magnifique végétation colombienne, et c’est un vrai bonheur. Les sombres aiguilles des pins se marient agréablement au feuillage des bouleaux et des hêtres dont les nuances d’un jaune d’or éclatant s’harmonisent admirablement avec les teintes écarlates des essences que le soleil couchant embrase de ses feux.

Ce site vraiment séduisant fait bientôt place à une riante vallée couverte de prairies, et les cimes neigeuses, un instant masquées par le défilé, réapparaissent plus étincelantes que jamais. Mais le soleil se cache brusquement, les nuages se forment avec rapidité sur les crêtes des montagnes, et quand, à la chute du jour, nous arrivons à Donald, dernière station ouverte à l’exploitation de ce côté, une pluie maussade est la seule autorité présente pour nous recevoir sur le sol de la Colombie.

Nous nous réglons ici à l’heure du Pacifique, en retard de 3 heures sur Montréal et de 8 heures sur Paris. Une différence de 24 heures existant pour le tour complet du globe, même avant le roman si connu de Jules Verne, le trajet que nous avons parcouru depuis notre point de départ représente donc le tiers du tour du monde.

À Donald nous n’apercevons qu’une dizaine de maisons, voisines de la rivière Columbia que nous venons de traverser. On peut donc juger, par l’importance de la localité, de la valeur de l’hôtel de quinzième ordre qu’on y rencontre. Les trois seules chambres disponibles sont adjugées aux dames et au curé Labelle. Dire qu’on s’y trouvait mieux que nous autres, pauvres délégués, campant encore une fois à bord de notre char, serait, je crois, faire offense grave à la vérité.

Dans cet affreux petit trou où nous pataugeons dans une boue intense, nous parvenons cependant à faire un solide dîner grâce à la circonstance suivante. L’un de nos compagnons, Ch. de Bouthillier, qui avait obtenu pour nous une lettre de recommandation de M. Van Horne, directeur de la Compagnie, était allé voir M. Ross, surintendant de la section colombienne. Ne trouvant pas ce dernier, il s’adressa à son secrétaire qui, sans lever les yeux de dessus son papier, et avec