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LES PEAUX-ROUGES

de la diminution de la natalité. En effet, un certain nombre de Peaux-Rouges établissant un parallèle entre la liberté et l’indépendance dont ils jouissaient avant l’arrivée des blancs et l’espèce de servitude dorée à laquelle ils sont pour ainsi dire réduits aujourd’hui, en tirent de tristes conclusions pour l’avenir de leur race. Le fonctionnement de nos machines industrielles et agricoles, l’emploi de la charrette de feu (locomotive) et des armes à longue portée, qui, suivant leur pittoresque expression, « partent aujourd’hui et tuent demain », leur ont démontré clairement notre supériorité intellectuelle sur la leur. Quelque peu fatalistes, comme les Arabes, ils se résignent, attendant patiemment la fin d’une existence brisée pour eux, et se refusant parfois à produire des descendants qu’ils jugent devoir être plus malheureux qu’eux encore.

Depuis les traités les Sauvages sont, pour ainsi dire, parqués sur des étendues de terrain trop restreintes pour y subsister, s’ils ne vivaient que de chasse, mais suffisantes pour s’y livrer à la culture et à l’élevage. C’est ce qu’on appelle une réserve. Il est défendu aux colons de s’y installer, mais la tribu qui s’y trouve ne doit pas en sortir non plus, sous peine de se voir retirer tout subside et toute subsistance et d’amener l’intervention toujours désagréable de la police à cheval.

En revanche, l’État s’est engagé à nourrir les Indiens et à leur apprendre la culture de la terre. Le fermier installé sur chaque réserve est l’intermédiaire par lequel vivres et subsides sont distribués. Les Sauvages ont bien un chef, mais celui-ci n’a guère d’attributions et parfois d’influence. Choisi par ses compagnons, sa nomination doit être ratifiée par le gouvernement. Ce qui est le plus caractéristique, c’est qu’il reçoit 25 piastres (125 fr.) par an, tandis qu’un simple membre de la tribu n’en reçoit que 5. Chaque semaine, des bœufs sont envoyés à la réserve pour assurer la subsistance de la tribu. Le fermier remet le bétail aux Indiens qui se le partagent. En dehors de cela, ils parviennent à tuer des canards et des poules de prairie, derniers débris des grandes chasses d’autrefois. Quant à travailler, c’est, pour un Sauvage, le cadet de ses soucis. Il n’y a en culture, à la réserve des Sarcis, qu’un champ de pommes de terre ; encore le défrichement n’en a-t-il pas été fait par les Indiens.

Aux États-Unis, le même système est en vigueur ; mais les agents du