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AU CANADA ET CHEZ LES PEAUX-ROUGES


17 septembre 1885. 10 heures du soir.


intuitions de la vérité

« Riel vaut quatre Bollandistes. Il en vaut cinq. Il les vaudra longtemps. »

Le beau parti grit a rué un fier coup pour la droiture, ce soir. Il s’est étendu. Il reprend sa place.


autres choses

Un peu de neige sur la terre, pas assez pour toute la blanchir ; je tombe sur un peloton de gens qui se cachent ; ils ne m’aperçoivent pas. Ils sont, en apparence, une dizaine. Je ne leur vois pas d’armes ; le plus haut d’entre eux porte un casque, rond, haut, grande palette. C’est peut-être dans la Saskatchewan ; peut-être chez les Brumner ; peut-être dans la grande coulée qu’il faut passer pour aller à la première maison de l’établissement, quand on vient de chez Maxime Lépine.

Pauvres gens, ils se cachent en plein chemin, en descendant la côte.

Mon Dieu ! prenez en pitié les groupes éparpillés de mon peuple ; du peuple que vous m’avez donné, de ce qui est à vous entre tous les peuples de la terre. Mon Dieu ! souvenez-vous que vous n’avez eu un aussi bon peuple que le peuple métis.

Louis « David » Riel, exoceed.


De tout ceci il faut conclure que Riel, s’il n’était pas complètement fou, était certainement un halluciné, en proie à de fréquents accès d’aliénation mentale lui enlevant par moments toute indépendance d’esprit. C’était, suivant l’expression médicale, plus qu’un homme à responsabilité atténuée, c’était un irresponsable.

Malgré tous ces symptômes significatifs, le gouvernement hésitait à prendre une décision définitive ; car, après le rejet du recours suprême de Riel devant le Conseil privé, il avait reporté sans motifs le sursis du 10 au 16 novembre. C’est que, pour le cabinet, il y avait là une importante question politique. Québec, c’est-à-dire le Canada français, qui avait fait de la cause de Riel une cause de nationalité, réclamait à grands cris la commutation de peine du chef métis. Par contre, Ontario, c’est-à-dire le Canada anglais, manifestait des sentiments absolument opposés, demandant la rigoureuse application de la loi contre celui qu’on appelait le meurtrier de Scott, montrant ainsi que c’était plutôt des événements de 1870 que de ceux de 1885, qu’on voulait tirer vengeance, malgré le temps écoulé et malgré une amnistie. Des miliciens sous les armes allaient même jusqu’à le brûler en effigie dans leur camp ! Des manifestations aussi indécentes et aussi barbares, vis-à-vis d’un homme au pied de l’échafaud, ont toujours paru indignes d’un grand peuple civilisé.

Enfin, après un examen médical officiel qui ne fut qu’un simu-