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le manitoba et le nord–ouest

Anglo-Saxons et 1 206 habitants d’origines diverses. La race française, si elle ne formait pas la majorité absolue, tenait au moins la tête, si on laisse de côté les Sauvages. Depuis cette époque la population est descendue à 48,362 habitants, par ce fait que le recensement de 1885 ne mentionne plus que 20,170 Sauvages. Par contre, la population blanche ou métisse a plus que quadruplé, car elle s’est élevée, en cinq années, de 6,974 à 28,192 habitants. Mais c’est ici que se font sentir les effets de l’immigration anglaise : l’élément français ne compte que 4,907 représentants, tandis que l’élément anglais, qui ne venait qu’au second rang, passe d’un bond au premier avec 21,874 membres.

Ce qui se passe au Nord-Ouest est donc une répétition de ce qui a lieu au Manitoba ; mais ici la lutte sera plus difficile encore, et la race française aura besoin de toute son énergie pour ne pas se laisser absorber. Son salut viendra de sa situation géographique. En effet, tandis que le gros de la colonisation anglaise se porte le long de la voie ferrée du Pacifique et au pied des Montagnes Rocheuses, l’élément français cantonné dans la partie septentrionale des Territoires, encore peu facilement accessible, se trouve momentanément à l’abri de l’invasion. Installé sur les meilleures terres et occupant les points stratégiques les plus importants de la vallée de la Saskatchewan-Nord, il a pour lui tous les avantages de la position. Il domine haut la main dans le sous-district d’Edmonton, possède la majorité dans celui de Battleford et lutte avec chances de succès dans ceux de Prince-Albert et de la rivière Carrotte. Que pendant quelques années encore les rives de la Saskatchewan soient délaissées par le flot des nouveaux arrivants et la race française aura transformé cette vallée en une forteresse nationale dont Edmonton sera l’imprenable donjon.


Nous partons de Winnipeg, par le train de l’Ouest, du matin. Partout, aux environs, le sol est cultivé et les propriétés entourées de clôtures. Ces clôtures, qui, dans d’autres provinces, étaient simplement formées avec des troncs d’arbres entre-croisés, sont formées ici avec des poteaux et des fils de fer. Cela tient à ce que le bois est rare et par conséquent assez cher et que ce genre de clôture résiste mieux aux feux de prairie ; la flamme glisse si rapidement que les poteaux ne sont qu’un peu noircis.