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le manitoba et le nord–ouest

apprendre notre langue et constater par lui-même que nous lui sommes sympathiques, il s’identifiera avec nous. Mettez-le au contraire dans un milieu anglais, vous le trouverez souvent contre nous, subissant, et très facilement, une influence hostile à notre race.

À l’époque où la Compagnie de la baie d’Hudson fit l’abandon au gouvernement canadien de ses droits suzerains, l’élément français, y compris les Métis, formait plus d’un tiers de la population totale du Manitoba. Douze ans après, en 1881, cette proportion n’atteignait pas un sixième, car on ne comptait que 9,949 Français sur un total de 65,954 habitants. Depuis le dernier recensement ce dernier chiffre a plus que doublé, mais l’élément français a plutôt perdu que gagné.

À quoi cela tient-il ? Est-ce à l’affaiblissement de la natalité ? Non certes, car la fécondité de la race canadienne ne s’est pas démentie un seul instant ; mais tandis que les émigrants anglais arrivaient par milliers, les émigrants français n’arrivaient que par centaines. Aussi l’élément français se trouve-t-il dans une situation délicate et a-t-il besoin de toute son énergie pour maintenir ses droits. Lors de la formation de la province, le parti français fit entrer deux de ses membres dans le ministère provincial. Aujourd’hui il n’en possède plus qu’un,[1] mais il a conservé un juge à la cour du Banc de la Reine à Winnipeg, un sénateur et un député fédéral.

Il est à craindre que cet état de choses ne dure tant que l’émigration sera aussi forte. Mais lorsque les meilleures terres seront occupées, que les colons devront faire plus de sacrifices pour fonder des établissements, il y aura un temps d’arrêt, puis l’accroissement de la population se fera surtout par la natalité et c’est alors que l’élément français regagnera peu à peu le terrain perdu. Et le jour où il aura pu conquérir la majorité au Manitoba, la situation géographique de cette province lui assurera une influence immense sur tout le Dominion.

Au Nord-Ouest, les mêmes phénomènes se sont produits d’une façon plus accentuée encore, à cause de la dissémination de la population française, de l’affluence des émigrants et de l’étendue du territoire colonisable. En 1880, sur une population de 56,446 habitants (dont 49,000 Sauvages) on comptait 2,896 Français, en majeure partie métis, 2,862

  1. Il n’en possède plus actuellement.