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le manitoba et le nord–ouest

tivée et parsemée d’habitations, nous arrivons à Landerfeld, un des nombreux villages des Mennonites. Nous entrons dans une des maisons, qui toutes sont bâties sur un modèle analogue. D’un côté se trouve la demeure des colons, comprenant une grande pièce, planchéiée et proprement tenue, qui sert de salle commune, la chambre à coucher et une petite pièce sombre où se fait la cuisine et où se trouve le poêle qui chauffe l’habitation. De l’autre côté est l’étable renfermant tous les animaux et le bâtiment contenant les provisions, grains, fourrages, etc. Il n’y a partout qu’un rez-de-chaussée assez bas de plafond. L’installation est médiocrement confortable et manque un peu d’air, de lumière et d’espace. Ces choses-là ne font cependant pas défaut au Canada, mais, ici, on se trouve en présence de colons depuis peu de temps dans le pays, et qui n’ont de canadien que le nom.

Les Mennonites forment une secte d’anabaptistes et sont originaires de Prusse. Ce fut à l’époque de Frédéric II qu’ils quittèrent leur pays, pour se soustraire aux charges militaires qui pesaient sur eux, et se réfugièrent en Russie. Il y a une dizaine d’années, ils étaient encore établis sur les bords de la mer Noire, dans le voisinage d’Odessa. Mais apprenant que le gouvernement du tsar se proposait de les soumettre à la loi du recrutement, ils vinrent en grand nombre se réfugier aux États-Unis et au Canada, dans la province de Manitoba principalement. Il y en a ainsi 8 à 10,000, dispersés en de nombreux villages situés dans le voisinage de la frontière des États-Unis. Vivant entre eux seuls, ils ont conservé, avec leurs mœurs et leurs coutumes anciennes, leur langue d’origine : les vieillards parlent assez correctement l’allemand, mais les jeunes gens ont un langage plus altéré. Malgré un siècle de séjour en Russie, les Mennonites n’ont point appris le russe, et c’est à peine si, aujourd’hui, ils savent quelques mots d’anglais. Par leur genre de vie, ils sont aussi étrangers que possible à ce qui se passe autour d’eux.

Leur organisation administrative est restée celle d’autrefois, et ils désignent un des leurs comme leur chef. Lorsque des terres leur ont été concédées au Manitoba, ils les ont réparties par lots égaux entre chacun d’eux, sans distinction hiérarchique aucune. Les plus travailleurs peuvent, bien entendu, augmenter leur patrimoine, mais le fonds commun ne doit rien à leurs enfants. C’est au chef de famille qu’il appartient d’acheter un lot de terre par tête d’enfant.