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le manitoba et le nord–ouest

Là nous trouvons M. le curé Joly, dont le nom a été donné à sa paroisse, qui est venu à notre rencontre avec un assortiment varié de carrioles que les habitants ont tenu à honneur d’amener et de conduire eux-mêmes. Ces voitures ont une supériorité énorme sur les fameuses planches du Saguenay : elles ont des ressorts, ce qui n’est pas à dédaigner dans la course à toute vitesse que nous faisons dans la poussière, à travers une plaine ondulée et presque sans arbres, course qui rappelle à s’y méprendre la vitesse des attelages madgyars et les grandes plaines de Slavonie. Le conducteur de ma voiture, un cultivateur de la paroisse de Joly, s’appelle Turenne et, sans prétendre à une parenté quelconque avec le grand capitaine, descend d’un des soldats du régiment de Turenne qui avait pris le nom de son corps, ainsi que cela se faisait souvent autrefois.

En route nous nous arrêtons pour visiter une maison d’habitant(paysan). Nous nous trouvons être chez Mme Ladouceur, dont la fille, par une singulière coïncidence est devenue Mme Labonté. La seule pièce de l’habitation est planchéiée et très proprement meublée. Elle est assez élevée, pourvue de six fenêtres et d’une porte vitrée qui y répandent une grande clarté. Dans un berceau un enfant dort du sommeil du juste ; à côté se trouve un grand fauteuil mobile, en canne. Au milieu de la pièce, est placé un beau fourneau économique, de la valeur de 30 piastres, servant tout à la fois à chauffer la maison, à faire le pain et à cuire tous les aliments. Au premier se trouve le grenier qui sert de pièce de débarras et de réserve. Tout cela est plus propre, plus confortable, plus luxueux surtout que chez n’importe quel paysan de France et de Navarre. Il en est de même dans la plupart des habitations, l’habitant dépensant largement pour s’assurer toutes les commodités de l’existence.

Arrivés à Joly, nous faisons une courte halte au presbytère. La paroisse compte environ 850 habitants, blancs ou métis, tous catholiques. Il y a quelques Irlandais ; tout le reste est de race française. Le nombre des familles est de 99 ; et, en un an, il y a eu 44 naissances, c’est-à-dire une par deux familles. Ici encore, la race canadienne–française donne un merveilleux exemple de sa proverbiale fécondité qui, tôt ou tard, lui assurera la suprématie.

Après une nouvelle course à travers champs, dans une région cul-