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le manitoba et le nord–ouest

se donne 44 ans, mais on lui en ajouterait bien 10 de plus, tant sa figure est hâlée et ridée. Pendant que nous causons avec lui, mon ami Tiret-Bognet le couche sur son album pendant qu’un autre de nos compagnons, M. Joliot, dresse devant lui, mais sans son assentiment, son appareil photographique. Nous lui offrons des cigares et du tabac qu’il accepte avec plaisir, puis le major Bedson le congédie et il s’en va du pas d’un homme qui se dit : Ce n’est pas trop tôt.

Depuis cette époque, Poundmaker, baptisé par Mgr Taché avec plusieurs de ses compagnons, a été gracié et rendu à sa tribu ; mais il n’a pas joui longtemps de sa liberté et est mort peu après son élargissement (5 juillet 1886).

Le jardin du pénitencier contient un modeste observatoire et des animaux sauvages enfermés ou attachés, tels que des aigles, des vautours, des ours bruns, des renards de prairie d’une pétulance extraordinaire. On y voit aussi une vingtaine de buffles jouissant d’une demi-liberté. Ce sont peut-être les seuls survivants, au Canada, d’une race qui, il y a dix ans à peine, couvrait encore d’immenses territoires.

Du côté opposé de Winnipeg nous allons rendre visite à la famille de Riel qui habite Saint-Vital, petit village de Métis français. C’est là que Riel a résidé pendant quelque temps dans une maison fort simple où vit encore toute sa famille. Sa mère est absente lors de notre visite, mais nous y trouvons sa femme et ses enfants, ses frère, beau-frère et de nombreux enfants. Sa jeune femme, d’origine française, ainsi que l’indique son nom, Marguerite Monette Bellehumeur, est une vraie métisse d’une physionomie régulière, respirant la douceur et une grande timidité. Elle était avec son mari pendant l’insurrection du Nord-Ouest et a couru de grands dangers avec tous les siens lors du combat de Batoche. Deux enfants sont issus de son union avec Riel, un fils et une fille. Le garçon, qui est l’aîné, répond au nom de Jean et est venu au monde en 1881 ; il a une mine éveillée, un front large, de beaux yeux et une physionomie qui dénote une grande intelligence. Il héritera sans doute de quelques-unes des brillantes qualités de son père. Au physique les deux enfants ne ressemblent point à leur père ; ils tiennent plutôt de la mère.

Dans la pièce principale se trouvent trois grands lits ; près de l’un d’eux un petit berceau est suspendu au plafond par deux courroies