Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/110

Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
au canada et chez les peaux-rouges

le pendant et l’égal de l’Athabasca. Pauvre Algoma ! Deux mois plus tard, enveloppé dans une tempête de neige, ballotté de tous côtés par les flots du lac Supérieur, aussi redoutables que ceux de l’océan en furie, il devait s’entr’ouvrir sur les rochers de l’île Royale, engloutissant avec lui dans l’abîme la plus grande partie de ses passagers.

Le canal passé, nous entrons dans la baie de Waiska, aux bords escarpés, et, lorsque le soleil descend dans les flots du lac Supérieur, nous n’avons plus, depuis longtemps, pour horizon que le ciel et l’onde.

Après avoir doublé le cap du Tonnerre, qui se présente sous la forme d’un lion au repos et replié sur lui-même, nous entrons, le 7 septembre au matin, dans la baie du Tonnerre (Thunder bay), au fond de laquelle est bâti Port-Arthur. La côte est bizarrement découpée et sur divers points se dressent des montagnes escarpées ayant la forme d’un cône tronqué. L’édifice le plus en vue de Port-Arthur est une grosse tour carrée en bois, de couleur rouge brique, qui s’élève à l’entrée du port et sert d’élévateur à grains. On aborde à quai après 40 heures de navigation rapide, à côté du chemin de fer du Pacifique qui, à cette époque, avait à Port-Arthur sa tête de ligne vers le Nord-Ouest.

Le transbordement se fait aussi rapidement à Port-Arthur qu’à Owen-Sound. Il est 9 heures du matin lorsque le train s’ébranle dans la direction de Winnipeg, en suivant, pour traverser Port-Arthur, la rue qui borde le quai. Il n’y a de clôture nulle part, pas même en ville, et la cloche de la locomotive, qui sonne constamment, sert seule d’avertisseur. Les voyageurs qui n’étaient pas à la station profitent de l’allure modérée du train pour escalader ce dernier au passage sans plus de façon. Grâce à la facilité qu’ils ont de pouvoir circuler d’un bout à l’autre du train, ils se casent où il leur plaît, le contrôle ne se faisant qu’en route. Les wagons-lits sont fort recherchés, car nous entrons dans la série des longs trajets, mais aussi le supplément de prix s’élève de 2 piastres à 3, par place. Il y a aussi un émigrant sleeping-car ; c’est un wagon de 2e classe (il n’y a que deux classes après les wagons-lits) dont les sièges en bois s’allongent à volonté pour former une large surface plane servant de sommier peu moelleux. Au-dessus s’abaissent des couchettes qui, elles aussi, n’offrent que leur bois au dormeur. À celui-ci d’y installer, à sa