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au canada et chez les peaux-rouges

Nous quittons Montréal le 4 septembre à 8 heures du soir, nous dirigeant sur Ottawa et Toronto où le chemin de fer, faisant un angle droit, remonte vers le nord pour aboutir à Owen-Sound, point de départ de la ligne des grands lacs. De Toronto à Owen-Sound le trajet est peu intéressant, sauf aux environs de Cataract et d’Orange-ville où le pays est accidenté et boisé. La région voisine d’Owen-Sound est la plus sauvage ; le sol est aride et fort peu habité. À Owen-Sound la même plate-forme sert de débarcadère au chemin de fer et d’embarcadère aux bateaux à vapeur, ce qui facilite singulièrement le transbordement.

Pendant qu’on se livre à cette opération, nous assistons à un départ de jeunes mariés. Les gens de la noce les accompagnent à la gare et au moment où le jeune couple monte en wagon chacun lui lance des poignées de riz à la tête comme souhaits de prospérité. Puis quand le train se met en marche, toute la noce, rangée en bataille sur le quai, fait pleuvoir à nouveau sur les jeunes époux des poignées de riz accompagnées d’une avalanche de vieux souliers. En même temps des pétards font explosion et des hourrahs éclatent au milieu de ce groupe composé de villageois endimanchés, et joyeux, de femmes aux toilettes d’un autre âge, d’hommes graves portant cravate blanche et redingote à la propriétaire et, pour que tous les bonheurs y soient, entre un grand jeune homme maigre qui souffle dans une clarinette et un gros court qui racle sans élégance un morceau de bois sur une corde à violon, on voit un bossu qui n’a pas l’air d’être plus triste que les autres. Avant le départ, tout ce monde-là avait fait irruption dans le char pour serrer une dernière fois les mains du jeune couple et, suivant la méthode américaine, avait, sans crier gare, bousculé les voyageurs sur son passage.

En une demi-heure l’embarquement a été effectué et le 5, à 4 heures du soir, nous levons l’ancre. L’Athabasca, sur lequel nous devons franchir les 570 milles qui séparent Owen-Sound de Port-Arthur, est un fort beau vapeur de 96 mètres de long très confortablement aménagé et éclairé à la lumière électrique. Les cabines sont relativement spacieuses et cette fois nous ne sommes que deux dans la même ; mon ami Georges Tiret-Bognet et moi. Une galerie couverte permet de faire, sur le pont, le tour complet du bâtiment. Bon marcheur en