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chemin de fer du pacifique et du manitoba

et le canal de Suez, le voyage entre l’Angleterre et Yokohama ne demanderait pas moins de 40 à 44 jours. Avec un peu plus de vitesse de la part des paquebots de l’océan Indien, on pourrait facilement faire le tour du monde en 60 jours, et, dans 25 ou 30 ans d’ici, qui sait si ce délai ne sera pas réduit à 6 semaines ? Ah ! voilà Jules Verne bien distancé !

Pour les passagers la nouvelle ligne sera en outre bien plus agréable à suivre, car elle leur permettra d’éviter la traversée si pénible de la mer Rouge. Il est facile d’apprécier par là quels services le Pacifique canadien est appelé à rendre, tant au point de vue politique qu’au point de vue commercial.

Mais si l’ouverture du Transcontinental canadien est un fait d’une haute importance pour l’Europe occidentale, il ne l’est pas moins pour le Canada lui-même. Désormais, les provinces les plus éloignées de la Confédération se trouvent soudées les unes aux autres et n’ont plus besoin d’emprunter le territoire étranger pour l’échange de leurs produits. Mais la conséquence la plus frappante de la création de la nouvelle ligne a été de transformer complètement les riches territoires du Manitoba et du Nord-Ouest, de donner une valeur considérables à des terres qui naguère en étaient dépourvues et de faire affluer, dans ces pays si fertiles et si peu peuplés, des convois d’émigrants venus de tous les points du monde. Des villes comme Winnipeg ont pris subitement un essor considérable, semblant sortir de terre comme frappées d’un coup de baguette magique. De jeunes cités, comme Brandon, Regina Calgary, dont l’existence ne remonte pas au delà de trois ou quatre ans, possèdent déjà 2 à 3 000 habitants, et dans ces villes improvisées on trouve tout de suite des églises, des maisons de banque ou de change, ainsi qu’un journal politique. À en juger par l’œuvre de quelques années, on pressent déjà quelle révolution économique et politique se sera opérée dans un demi et même dans un quart de siècle.

Ce sont ces pays nouvellement explorés que nous allons visiter sur l’invitation de la Compagnie du Pacifique. Nous ne sommes plus que onze, parmi lesquels M. le curé Labelle, qui tient à nous faire jusqu’au bout les honneurs de son pays, M. de Molinari, M. le conseiller Perrotin, et deux dames.