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Quand ce livre naquit — aux frais des auteurs — un cri d’indignation s’éleva de tous les côtés. On eût dit que la presse entière avait été marquée d’un fer rouge. Jules Janin, parrain littéraire des Goncourt, qui disait volontiers qu’il se réchauffait à leur jeunesse et qu’il aimait même les excès de leur esprit, J. Janin leur retira sa bienveillance. Il reprit, avec quelques modifications de circonstance, le thème d’un article qu’il avait déjà joué, dans la Revue de Paris, quand, en 1839, on l’avait chargé de venger l’honneur des lettres compromis une première fois par Balzac ! Jules Janin accusa les Goncourt d’avoir fait « un pamphlet contre leur ordre, un tableau poussant au mépris des lettres ! »

M. Édouard Fournier, dans une péroraison indulgente, termine ainsi la lamentation qu’il publia dans la Patrie : « Ah ! jeunes gens, historiens trop désenchantés de ces hommes de lettres que vous avez trouvés je ne sais où, le monde n’est-il pas assez dégoûté de la littérature pour que vous le dégoûtiez ainsi des littérateurs ? Que vous avait fait cette religion des lettres dont, à quelques traits, on voit que vous gardez encore l’amour ? Que vous a-t-elle fait pour que vous veniez ainsi révéler à ce monde, envieux applaudisseur de nos misères, les scandales de quelques-uns qui sont l’amère douleur de tous les autres ? »

Ce qu’il faut retenir des critiques peu nombreuses mais presque unanimement indignées qui se produisirent alors, — et les auteurs y ont fait droit dans les éditions qui suivirent, en appelant le livre Charles Demailly — c’est l’observation que le titre général : les Hommes de lettres, était beaucoup trop vaste pour étiqueter l’histoire d’un seul écrivain perdu dans les bas-fonds du journalisme. En 1860, Victor Hugo, Michelet,