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modestement une histoire des mœurs. Aussi leur livre est-il mis au pillage, chaque jour, indignement par beaucoup des écrivains et des hommes de théâtre qui s’occupent de la Révolution et du Directoire. Les Goncourt avaient commis la faute de ne pas indiquer leurs sources, sous le prétexte assez valable que les notes auraient doublé le poids des volumes. La plupart des parasites qui vivent maintenant sur leurs fonds, se croient donc permis d’en prendre à leur aise avec eux et ne les citent pas.

Mais ces deux livres, quoique débordant de faits, scrutant les dessous de la société révolutionnaire, ne remplissent pas tous leurs titres. Un échantillonnage de scènes prises sur le vif dans les salons, les cafés, les théâtres et ailleurs encore, extraits de journaux et de pamphlets, la description des caricatures avec leurs légendes commentées, donnent une idée très exacte du Paris de l’époque, mais non pas de toute la société française. La centralisation que Napoléon allait enrêner dans sa poigne puissante et qui devait tuer plus tard, ou au moins considérablement amoindrir la physionomie des provinces, n’avait pas encore fait ses ravages. On chercherait vainement, dans ces deux volumes, une trace des mœurs des différentes sociétés provinciales, très autonomes encore, bien qu’elles eussent été, elles aussi, assez profondément troublées par les malheurs du temps. La petite bourgeoisie et le peuple, fouettés un instant par le passage des commissaires révolutionnaires envoyés par la Convention, n’en avaient pas moins conservé des usages, des costumes et des formes de langage que la Révolution laissait presque intacts. C’est qu’on ne modifie pas un pays, comme on a pu modifier Paris qui était devenu, pendant ces années violentes, la cuve à idées la plus bouillonnante qui fut jamais.