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vint s’interposer. L’idée leur était venue, après la première surprise causée par le grand succès de la Lorette, de lui trouver un pendant et de faire, dans le même format in-32, et au même prix de 50 centimes, une Histoire du Plaisir sous la Terreur. Ce projet prit corps et se développa dans leurs esprits par l’accumulation des notes, la découverte successive des points de vue, les trouvailles inespérées que faisaient les chercheurs dans une époque dont on n’avait jusque-là étudié que les dehors. Peu à peu la plaquette devint une brochure, la brochure un livre, puis un gros livre, puis deux.

À la fin de février 1854, les deux frères étaient dans tout le feu des recherches et consignaient, sur le journal, l’état de leur esprit et l’avancement du travail qui les possédait tout entiers : « Tout cet hiver, travail enragé pour notre Histoire de la Société pendant la Révolution. Le matin, nous emportons, d’un coup, quatre à cinq cents brochures de chez M. Perrot qui loge près de nous, rue des Martyrs. (Ce M. Perrot, un pauvre, tout pauvre collectionneur qui a fait une collection de brochures introuvables, achetées deux sous sur les quais, en mettant quelquefois sa montre en gage, une montre en argent.) Toute la journée, nous dépouillons le papier révolutionnaire et, la nuit, nous écrivons notre livre. Point de femmes, point de monde, point de plaisirs, point d’amusements. Nous avons donné nos vieux habits noirs et n’en avons point fait refaire, pour être dans l’impossibilité d’aller quelque part. »

Le fait est que bien long et bien fatigant a dû être le dépouillement d’où est sortie cette accumulation de petits faits qui s’éclairent, se contrôlent et se complètent les uns les autres et qu’il a fallu extraire, en les rendant nets et précis, du fatras déclamatoire de