Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

fut réédité, en 1876, par la librairie Charpentier. Il s’appela alors Quelques créatures de ce temps et M. Edmond de Goncourt y ajouta une courte préface dans laquelle on lit : « Ce volume complète l’œuvre d’imagination des deux frères. Il montre, lors de notre début littéraire, la tendance de nos esprits à déjà introduire dans l’invention la réalité du document humain, à faire entrer dans le roman, un peu de cette histoire individuelle qui, dans l’Histoire, n’a pas d’historien. » C’est surtout un recueil de biographies, mais de biographies de gens dont les noms ne disent pas plus à l’esprit et au souvenir que l’anonymie. Là, croqués avec amour, surtout par un côté ridicule ou par une manie, comparaissent l’ornemaniste Possot, Victor Chevassier, Buisson, un pauvre diable intelligent, embourbé dans la vie de campagne, l’aquafortiste, l’auteur bien oublié du frontispice des Contes de Jean de Falaise.

Du même style âpre et tranchant, à peine modéré par la gravité du moraliste, est écrite une brochure publiée en 1854, sous ce titre : la Révolution dans les mœurs et qui, pour toute préface, n’a que ces deux lignes : « Ce n’est pas de ses ennemis que la Société doit avoir peur : — c’est d’elle-même. » Elle débute par une diatribe sur la constitution de la famille moderne mise en face de la famille du dix-huitième siècle. Puis défilent les portraits des jeunes hommes, des jeunes filles du temps actuel, la critique du mariage, de la richesse, des lettres et des arts, tout cela présenté avec un parti pris de grossissement qui accuse mieux la thèse, mais qui n’est pas exempt d’injustice. Le dix-huitième siècle a eu beaucoup de bon, sans doute, mais les mariages du temps, par exemple, n’ont jamais passé pour les types du bonheur parfait et des unions assorties. Qu’on lise le chapitre du Mariage dans le