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quand, en ouvrant le journal du 15 décembre, ils tombèrent sur un très long article ayant pour titre : En 18, la Dinde truffée de MM. Varin et de Léris et les Crapauds immortels de MM. Clairville et Dumanoir.

Ce feuilleton est une véritable folie. C’est un coq-à-l’âne, en dix colonnes, dans lequel Jules Janin a « spirituellement battu et brouillé » les épisodes de En 18 avec l’intrigue des deux vaudevilles. Il n’y a guère de raisonnable que les deux passages que voici : « Ah ! les gaillards, ah ! les joyeux bandits, mes deux Goncourt — maîtres en style rococo rageur… fantaisistes enfants qui s’amusent à démonter la littérature de leur grand-père… » L’article finit pourtant sur un ton moins badin. Il semble voir le vieux critique, déjà sur le retour de sa gloire, armant chevaliers deux jeunes initiés de l’esprit et finissant son speach par une admonestation paternelle : « Ils sont jeunes, ils sont hardis, ils trouvent quelquefois des mots, des phrases, des sons, des accents ! ils abusent déjà, les malheureux, des plus charmantes qualités de l’esprit ! ils ne voient pas que ces tristes excès les conduisent tout droit à l’abîme, au néant !… À quoi bon les excès de la forme que ne rachète pas la moralité du fond ? Que nous veulent ces audaces stériles, et quel profit peuvent retirer de ces tentatives coupables deux jeunes gens que l’ardeur généreuse du travail et le zèle ardent de l’inspiration pourraient placer si haut ? Comment, ce défi à leurs maîtres ! Comment, cette injure aux chefs-d’œuvre ! »

Ce fut à peu près tout ce que les Goncourt retirèrent de la publication de leur volume, avec quelques phrases horripilées de M. de Pontmartin, dans la Revue des Deux Mondes. Et l’édition de mille, moins une soixantaine d’exemplaires donnés fit retour, de chez l’imprimeur,