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et joignit nos deux mains. Le râle la prit à quatre heures un quart. Une heure après, nous étions orphelins… »[1]

L’aîné était déjà engagé dans une carrière. Ses études faites, contre ses goûts, ses aptitudes et ses désirs qui l’attiraient curieusement vers l’art, Edmond était entré au ministère des Finances et l’ironie du sort l’avait justement placé dans un bureau où on n’alignait que des chiffres. Cette besogne — cela va de soi — fut, dès l’abord, une intolérable torture à laquelle il ne demeura soumis que pour ne pas attrister sa mère ; mais, après qu’elle fut morte, il s’empressa de se libérer.

Jules, lui, en était à la fin de ses classes. Les mille événements tumultueux qui suivirent la Révolution de Février et qui avaient fait d’Edmond un garde national, se répercutaient jusqu’au fond des collèges. On y pérorait plus sur la politique qu’on n’y faisait de devoirs. Pourtant Jules ne se laissa pas détourner du baccalauréat qu’il préparait, et, au mois de décembre, il passa brillamment l’examen, en même temps que Louis Passy.

Les deux frères avaient sur le choix de leur carrière des idées pareilles. Tous deux auraient pu signer la lettre que Jules écrivait à Louis Passy, peu de temps après, de Vienne, en Dauphiné : « Je te remercie sincèrement sur les conseils que tu me donnes sur la nécessité de prendre une carrière. Je te dirai seulement que tes exhortations unies à celles de mon oncle Jules[2] arrivent malheureusement un peu tard. Ma résolution est bien ferme et rien ne m’en fera changer, ni sermons ni conseils, même de toi dont j’ai éprouvé toute l’amitié. Je ne

  1. Lettres, p. 4.
  2. De Courmont.