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solides qu’on leur accorde, leur style qui respire vaudrait encore comme objet d’art et de curiosité. C’est qu’il s’adresse autant aux yeux du corps qu’à ceux de l’esprit. La vision littéraire acquiert l’intensité de la couleur réelle, la main touche le relief des mots, l’ouïe perçoit l’harmonie et le mouvement de la phrase écrite. Par des nuances, ils expriment les modifications les plus subtiles de l’âme humaine et le sentiment du moderne grouille, dans leur œuvre, comme un ferment de vie. Ceci explique la longue résistance que les Goncourt ont trouvée dans le public, ennemi-né de tout ce qui le dérange de sa route.

Un style se prête mal à une démonstration, mais une habitude, une méthode de travail se décrivent. Celles des Goncourt sont d’autant plus curieuses qu’une collaboration aussi longue, aussi complète, s’étant exercée sans interruption si longtemps sur des sujets aussi différents, ne s’est pas rencontrée encore dans les lettres. Cette greffe intellectuelle est un phénomène unique devant lequel il est intéressant de s’arrêter. Les confessions des auteurs nous serviront beaucoup dans cette étude.

Qu’on lise d’abord dans la Faustin : « La langue française me fait l’effet d’une espèce d’instrument dans lequel les inventeurs auraient bonnassement cherché la clarté, la logique, le gros à-peu-près de la définition, et il se trouve que cet instrument est, à l’heure actuelle, manié par les gens les plus nerveux, les plus sensibles, les plus chercheurs de la notation des sensations indescriptibles, les moins susceptibles de se satisfaire du gros à-peu-près de leurs bien portants devanciers. »

Idées et Sensations fournit la note suivante : « Je m’aperçois tristement que la littérature, l’observation, au lieu d’émousser en moi la sensibilité, l’a étendue,