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reste, il faut le reconnaître, avaient presque tous permis qu’on réintégrât dans le texte, après discussion.

Ce dernier Manifeste littéraire s’en fut rejoindre les doléances de toute sorte dans les cartons verts impitoyables d’où elles ne sortent guère que pour être mises au pilon. Le crépitement du combat se produisit à côté et vint d’un sénateur, M. Halgan, qui, par ouï-dire, n’ayant pas eu « le courage d’aller voir la pièce » vint la dénoncer au Sénat, à l’aide de lieux communs ternes et sans vigueur. Il reprochait au ministre de l’Instruction publique, M. Lockroy, la mollesse des censeurs et le scandale qui s’était produit sur une scène subventionnée.[1]

Le ministre mal inspiré, et méconnaissant un des principes du gouvernement parlementaire, répondit que nul n’avait qualité, pas même lui, pour incriminer le jugement des censeurs : « Je n’ai pas eu à me prononcer. La censure a rempli sa mission et elle l’a fait en toute conscience. J’ajoute qu’il ne s’agissait pas, au théâtre de l’Odéon, de l’œuvre d’un commençant ; il s’agissait de l’œuvre d’un littérateur éminent, de l’œuvre d’un homme qui passe pour chef d’école et qui est reconnu tel par de nombreux disciples. En cet état de cause, messieurs, il est des libertés — et cela se comprend — qu’on laisse à l’auteur, des libertés qu’on ne laisserait pas à tous les écrivains. D’ailleurs, messieurs, l’œuvre a été tirée d’un roman qui a obtenu le plus grand succès et qui a été entre les mains de tout le monde… »

On voit que M. Lockroy ne plaide ici que les circonstances atténuantes. Il fut plus heureux en répondant à M. Audren de Kerdrel, qui se jeta bouillant dans la discussion et cria qu’il fallait « interdire l’Odéon aux

  1. Sénat, séance du 26 décembre 1888.